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Contraintes fiscales de la délégation de service public

La note 34 – octobre 2002

Introduction

La notion de délégation de service public est relativement nouvelle et fait encore l’objet de nombreux commentaires et définitions parfois contradictoires.

La fiscalité, qui ne connaît nettement que la distinction entre concession de service public (et l’affermage qui n’en est qu’une variante) et marché public n’échappe pas à cet inconvénient.

Il faut donc rechercher les règles fiscales applicables à chaque situation pour connaître lc « coût fiscal » que comporte une délégation de service public.

La TVA

1.1. Rappel des règles

1.1.1. Le droit commun

Le régime de TVA des personnes morales de droit public a été précisé dans l’instruction du 8 septembre 1994 (3 CA-94 ; n° 57 s.) : le principe général est que leurs activités ou opérations menées en tant qu’autorité publique sont situées hors du champ d’application de la TVA, sauf si cela conduit à des distorsions de la concurrence.

Pour apprécier si l’activité est ou non soumise à la TVA, il est procédé aux distinctions suivantes :

  • les activités exercées en vertu d’un pouvoir de souveraineté ou d’intérêt général sont situées hors du champ d’application de la TVA ;
    • sont ainsi considérées comme relevant d’un pouvoir de souveraineté la collecte des impôts et taxes ou la perception de droits de stationnement sur la voirie,
    • relèvent de l’intérêt général la perception de redevances au titre de l’occupation du domaine public (y compris redevances d’affermage) mais aussi différents services tels que la fourniture de l’eau, l’assainissement…, sous réserve toutefois qu’ils ne soient pas soumis à la TVA en vertu d’une disposition légale (article 256 B du c.g.i. : par exemple la fourniture de l’eau dans les communes de plus de 3.000 habitants) ou d’une option (article 260 A du c.g.i. : par exemple la fourniture de l’eau dans les communes de moins de 3.000 habitants),
  • les activités des services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs ne sont soumises à la TVA que si leur absence d’assujettissement à cette taxe conduit à des distorsions de la concurrence : dans certains cas, la concurrence (exploitation d’un golf, d’un parc d’attractions par exemple) ou la non concurrence (la fourniture de soins médicaux par exemple) est présumée ; dans d’autres cas, il convient de procéder à une analyse des circonstances en fonction du critère de défaillance de l’initiative privée.

Dès lors que l’activité menée ne peut être rattachée à l’exercice d’une autorité publique, telle que rappelée ci-dessus, elle entre normalement dans le champ d’application de la TVA. Il en est notamment ainsi pour ce qui concerne les locations d’immeubles soumises à la TVA de plein droit (locations de locaux aménagés) ou sur option (locaux nus à usage professionnel, article 260, 2° du c.g.i.).

1.1.2. Le FCTVA

Le principe général du FCTVA figure en encadré dans la circulaire du ministère de l’intérieur du 23 septembre 1994 (NOR : INT B94 00257C) : « Sont éligibles au FCTVA les dépenses réelles d’investissement, grevées de TVA, réalisées par les collectivités bénéficiaires, directement ou par l’intermédiaire d’un mandataire légalement autorisé, pour leur propre compte et dans le but d’accroître leur patrimoine, pour les besoins d’une activité non assujettie à la TVA. ».

Les bénéficiaires du FCTVA sont, pour l’essentiel, les collectivités territoriales et leurs groupements ; il ressort clairement des textes que l’État est exclu du bénéfice du FCTVA.

1.2. Les particularités de l’application des règles

1.2.1. L’articulation du régime de droit commun et du FCTVA

Si le principe de la mise en œuvre du FCTVA pour les seuls investissements ne procurant aucune recette soumise à la TVA est clairement énoncé et défendu par le ministère des finances, il comporte, pour le ministère de l’intérieur, des aménagements : il est en effet admis qu’un même bien peut être affecté à des activités situées dans et hors champ d’application de la TVA. Dans ce cas, il est procédé à une ventilation des dépenses d’investissement et la part affectée à des activités hors champ d’application de la TVA donne droit aux attributions du FCTVA.

Argumentation

Les dispositions de la circulaire interministérielle du 23 septembre 1994 concernant l’éligibilité de dépenses mixtes d’investissement au FCTVA sont assez claires. L’administration ouvre aux collectivités territoriales, pour ce type de dépenses, le bénéfice d’une attribution du FCTVA « à hauteur de la fraction pour laquelle la taxe n’a pas pu être déduite fiscalement« .

Notons qu’avant que n’intervienne cette circulaire, l’utilisation, même très partielle, de ces dépenses d’investissement pour la réalisation d’opérations taxables, interdisait aux collectivités locales de récupérer la taxe afférente par le biais du FCTVA (décret n° 89-645 du 6 septembre 1989, art 2). La taxe ne pouvait être récupérée que par la voie fiscale en fonction du prorata de déduction, souvent peu élevé, de sorte qu’une réforme était souhaitée sur ce point.

Deux questions se posent très concrètement suite à la parution de la circulaire du 23 septembre 1994 :

  • quel est le montant de la taxe éligible au FCTVA ?

La circulaire définit ce montant par la différence entre le montant total de la TVA grevant la dépense et celui déduit fiscalement. Reste à déterminer ce que recouvre la notion de taxe « déduite fiscalement » ;

  • comment s’applique dans le temps cette nouvelle règle ?

La question se pose pour les investissements en cours de réalisation.

Deux observations préalables à la recherche de solutions :

  • les autres conditions d’éligibilité des dépenses au FCTVA sont supposées être satisfaites,
  • un lien logique existe entre la circulaire du 23 septembre 1994 et les règles du droit à déduction.
1.2.2. La TVA au taux réduit

Pour la collecte de la TVA, il est fait application, sur les tarifs pratiqués, d’un taux qui peut être normal (19,6 % actuellement) ou réduit (5,5 %).

Concernant la gestion de services publics, le taux réduit peut être retenu dans l’un des cas suivants (liste donnée à titre d’exemple) :

  • la vente de l’eau (article 278 bis, 1° du c.g.i.) qui est délivrée par les réseaux d’adduction et ce quelle que soit la personne (collectivité publique ou entreprise privée ou la destination de l’au (potable ou non),
  • les prestations relatives à l’eau (article 279 bd u c.g.i. portant sur la fourniture et l’évacuation dès lors que sont satisfaites les conditions :
  • d’objet : le but des prestations est la gestion du service municipal,
    • de biens sur lesquels les prestations doivent porter, à savoir l’eau et les installations utiles à sa distribution et à son évacuation,
    • de nature de la prestation : sont visées l’entretien et le nettoyage des installations ainsi que les études mais non pas les travaux immobiliers,

bénéficient de ces mesures toutes les personnes concernées qu’il s’agisse de l’exploitant (commune, délégataire ou mandataire) ou des prestataires ;

  • les transports de voyageurs (article 279 b quater du c.g.i.) quel qu’en soit le mode (fer, route…) et le mode d’exploitation ; sont aussi visées les prestations fournies pour la gestion de réseaux de transport public ;
  • la collecte, le tri et le traitement des déchets ménagers (article 279 h du c.g.i.), étant précisé qu’il s’agit là d’une disposition récente dont les modalités d’application soulève quelques difficultés pratiques. Sont ici visées les prestations portant sur les matériaux d ‘emballages qui ont fait l’objet d’un contrat en vue de leur élimination ou de leur récupération. Dans le cas de contrats monomatériaux, il convient de procéder à une ventilation des dépenses pour appliquer le taux réduit. De même des clés de répartition sont à définir lorsque que toute la population n’est pas concernée par la collecte et le tri sélectif.

2- Les droits d’enregistrement

Les caractéristiques générales de la domanialité publique ont longtemps conduit à conférer à l’utilisateur des biens qui y sont compris un seul droit personnel. Il faudra attendre la loi du 5 janvier 1988 pour que des droits réels immobiliers soient rendus possibles sur le domaine public dans le cadre juridique du bail emphytéotique, toutefois aménagé au cas particulier.

Dans la mesure où l’occupant du domaine public ne dispose que d’un droit personnel sur les biens qu’il utilise, il ne saurait en être considéré comme propriétaire, ce qui signifie que les occupations temporaires du domaine public sont traitées en transferts de jouissance :
expressément exonérées de la contribution de droit de bail (cf. réponse Féron – AN 16 décembre 1961 – n° 12165 – D. adm. 7 E-2122 du 25 mai 1992),
dont le « loyer », en l’occurrence la redevance, n’entre pas dans le champ d’application de la TVA (cf. instruction du 8 septembre 1994, BOI 3 CA-94 n° 61).

3-L’impôt sur les sociétés

3.1. Qui supporte l’impôt sur les sociétés ?

La question revient souvent de savoir si une régie constituée par une collectivité territoriale est ou non soumise à l’impôt sur les sociétés. Et pourtant, les règles existent et sont précises.

3.1.1. L’exonération d’impôt sur les sociétés des régies

Les collectivités territoriales et leurs groupements[1] sont, aux termes de l’article 207-1-6°, exonérés de l’impôt sur les sociétés. Cette exonération s’étend également à leurs régies de services publics, mais avec plusieurs conditions.

Dans le cas de régie simple (c’est-à-dire en l’absence d’autonomie financière), il est considéré que l’exonération d’impôt sur les sociétés concerne la collectivité.

Si la régie est dotée de l’autonomie financière (et, a fortiori, de la personnalité morale), elle ne sera exonérée d’impôt sur les sociétés que pour autant qu’elle exploite un service public indispensable à la satisfaction des besoins collectifs des habitants. Ce principe appelle les précisions suivantes :

  • l’exonération vaut aussi pour l’imposition forfaitaire annuelle ;
  • l’exonération ne porte que sur les résultats de l’activité de service public et ne peut être étendue aux activités accessoires ;
  • sont considérés comme répondant aux besoins collectifs des habitants les services d’eau, de pompes funèbres, de transports en commun… ;
  • il a, en revanche, été jugé[2] que les activités de remontée mécanique et de gestion d’un marché d’intérêt national[3] ne répondaient pas à ce critère de sorte qu’elles devaient être soumises à l’impôt sur les sociétés.

Ces principes ont dû être appliqués strictement pour les exercices ouverts à compter du 1° janvier 1986. L’administration avait décidé de ne pas remettre en cause, pour le passé, la situation des collectivités qui n’étaient pas en conformité avec ces règles avant cette date.

3.1.2. Le régime particulier des organismes sans but lucratif

Si l’article 206-1 du code général des impôts soumet à l’impôt sur les sociétés les organismes des départements et des communes – pour les en exonérer dans les conditions examinées plus haut – cela pourrait ne valoir que pour leurs activités à caractère lucratif.

Cet article soumet à l’impôt sur les sociétés toutes personnes morales se livrant à une activité à caractère lucratif après avoir visé les sociétés, les établissements publics…

Or les articles 165 et 167 de l’annexe IV du même code posent le principe que les régies départementales exploitant des services à caractère industriel ou commercial sont passibles des mêmes impôts que ceux applicables aux entreprises privées similaires.

À supposer qu’un service fasse l’objet d’une exploitation par une association de la loi de 1901 qui soit considérée comme ne poursuivant pas un but lucratif, elle échapperait à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, ce qui viendrait en contradiction avec les dispositions des articles 165 et 167.

Encore faudrait-il démontrer que la gestion de ce service relève de la doctrine des œuvres, c’est-à-dire que les conditions suivantes sont satisfaites :

  • les opérations sont menées dans le cadre de l’activité désintéressée que l’organisme exerce,
  • la gestion ne procure aucun avantage aux fondateurs, dirigeants ou membres de l’organisme,
  • la réalisation d’excédents de recettes n’est pas systématiquement recherchée,
  • les excédents sont réinvestis dans l’œuvre,
  • l’œuvre présente une utilité sociale.

L’article 206-5 prévoit un régime allégé d’impôt sur les sociétés pour les organismes, associations, établissements publics qui ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. En substance, les organismes sans but lucratif ne supportent l’impôt sur les sociétés :

  • qu’au taux de 24 % sur leurs revenus fonciers, agricoles et mobiliers,
  • qu’au taux de 10 % pour certains revenus mobiliers.

3.2. Les particularités de l’impôt sur les sociétés des délégataires de service public

3.2.1. L’amortissement de caducité

Les entreprises concessionnaires de service public (notion particulière du droit fiscal qui n’a pas encore vraiment pris en compte la notion « relativement nouvelle » de délégation de service public) sont autorisées à pratiquer, en franchise d’impôt des amortissements calculés en tenant compte des caractéristiques des contrats les liant à la collectivité publique.

L’amortissement de caducité est un amortissement à caractère financier qui a pour vocation d’enregistrer la charge correspondant aux investissements consentis sur les biens de retour (retour gratuit) :

  • sur la durée de la concession,
  • pour reconstituer tant le capital emprunté (capital-obligations) et les fonds propres investis (capital-actions),
  • soit en linéaire, soit en progressif sans qu’il soit fait application de la règle de l’amortissement minimal.

L’amortissement industriel porte sur les biens compris dans le domaine de la concession et qui sont à renouveler pendant la durée de celle-ci :

  • cet amortissement s’ajoute à l’amortissement de caducité,
  • il est calculé selon les règles de droit commun, c’est-à-dire en linéaire ou en dégressif selon le cas.
3.2.2. La provision pour renouvellement

Pour les biens susceptibles de renouvellement pendant la durée de la concession et en complément de l’amortissement industriel, il est admis de constituer une provision pour renouvellement.

  • la durée réelle d’utilisation de chaque bien à renouveler est définie,
  • la valeur de remplacement de chaque bien est aussi fixée à la clôture de chaque exercice,
  • la différence de prix entre la valeur d’origine et celle de remplacement fait l’objet de la constitution de la provision,
  • cette provision est progressivement constituée sur la durée de vie du bien à remplacer.

[1] : étant précisé qu’un syndicat mixte ne bénéficie de ces dispositions que s’il est seulement constitué de collectivités territoriales.
[2] : Conseil d’État, 16 janvier 1956, n° 13.019, 15.018 et 15.019.
[3] : TA Bordeaux, 11 mai 1994, n° 92-1.294 et 93-1.799, RJF 2/95, n° 162.

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