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Capital des SEM

La note 12 – mars 1998

LA RESTRUCTURATION DU CAPITAL DES SOCIÉTÉS D’ÉCONOMIE MIXTE LOCALES

 

Lorsqu’il est question de sociétés d’économie mixte locales, le propos est souvent tenu ou entendu qu’une de leurs principales faiblesses consiste dans une insuffisance de fonds propres ou de capital. Il s’agit fréquemment une critique : il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les rapports des Chambres régionales de comptes de ces dernières années.

À s’en tenir à la constatation de l’insuffisance de fonds propres et, plus précisément, de capital social, le remède apparaît clairement : la recapitalisation de la société. Mais une telle solution, pour simpliste qu’elle soit, ne saurait suffire. C’est que le niveau des fonds propres d’une société s’apprécie moins au regard de seuils fixés par avance selon un barème précis qu’en fonction des besoins découlant de son ou de ses activités et modes d’intervention.

Pour compliquer encore la chose, il faut aussi considérer que les règles existantes en ce domaine, qu’elles soient issues du droit commercial, du droit comptable ou du droit administratif, ne répondent pas toujours aux principes les plus élémentaires d’une saine gestion financière. Sans doute est-ce dû au fait que la rigueur financière relève le plus souvent du bon sens…

Comment déterminer les fonds propres d’une société d’économie mixte locale, comment faire participer les partenaires privés au financement de la société, quels sont les apports possibles et comment les traiter comptablement, toutes ces questions peuvent être évoquées sous un angle financier et pratique : il appartient ensuite aux praticiens du droit de trouver les formules adaptées à chaque circonstance.

L’utilité des fonds propres

Le capital d’une société est souvent défini, en droit, comme le gage des créanciers : ce sont les sommes investies par les associés comme preuve de la confiance qui peut être accordée dans l’usage qui en sera fait et de la rentabilité espérée. Mais ce principe général est plus délicat à mettre en pratique : comment en effet déterminer le montant du capital, et plus généralement des fonds propres, nécessaires à la société ?

Une première ligne directrice se dégage de la simple lecture du principe général : plus une activité est risquée et plus elle requiert de fonds propres. En d’autres termes, pour que la société puisse véritablement inspirer confiance aux tiers et notamment à ses partenaires lorsqu’elle mène une activité, elle doit disposer de fonds propres suffisants à la couverture des risques encourus. Bien entendu, il n’existe pas de barème en la matière et le risque peut n’être couvert que pour partie de son montant ; c’est que l’on se situe sur un terrain subjectif et que le pire ne se réalise pas toujours… Pour les SEML, il est vrai que l’analyse du risque financier qu’elles comportent n’est pas toujours aisée ; c’est qu’il convient de distinguer :

  • la nature de l’activité exercée : immobilier, aménagement ou gestion de services ou équipements publics ;
  • les opérations dont la réalisation lui est confiée et dont le mode de délégation va permettre de savoir qui en assume le risque ;
  • le fonctionnement des opérations, qu’elles soient propres ou pour compte.Parce qu’ils sont le gage des créanciers, les fonds propres constituent ainsi un mode de financement des risques de l’entreprise. Les fonds propres collectées par l’entreprise ne sont pas pour autant déposés sur un compte bancaire en attendant d’être versés aux créanciers : ils sont aussi et surtout utilisés pour les besoins de l’activité. Ils peuvent financer les investissements, surtout ceux dont l’exploitation ne supporte pas un endettement important. Ils peuvent servir à couvrir le besoin en fonds de roulement cher aux analystes financiers : en d’autres termes financer le cycle d’exploitation (les stocks et le crédit consenti aux clients).La composition des fonds propresLes capitaux propres (après répartition du résultat), tels qu’ils sont prévus par le plan comptable, se décomposent ainsi : • capital ; • primes d’émission, de fusion, d’apport… ; • écarts de réévaluation ; • réserves ; • report à nouveau (en plus ou en moins) ; • provisions réglementées ; • subventions d’investissement.Mais la définition comptable des fonds propres (c’est-à-dire les capitaux propres augmentés des autres fonds propres) est à corriger de divers éléments dès que l’on aborde l’analyse financière :
  • Les autres fonds propres regroupent plusieurs catégories de sommes de natures diverses ; il s’agit ainsi : • du produit des émissions de titres participatifs ; • des avances conditionnées (par exemple les avances destinées à être incorporées au capital social) ; • les droits du concédant dans les entreprises concessionnaires de services publics ; • de toutes sommes mises à la disposition de l’entreprise si, en application des conditions économiques et contractuelles, elles ne sont pas remboursables ou le sont sous le contrôle exclusif de l’émetteur ou par attribution d’un autre instrument des capitaux propres.
  • La définition juridique et comptable des fonds propres est énumérative : il s’agit d’un ensemble de sommes inscrites dans certains comptes et présentés dans des postes particuliers du bilan.
  • La détermination des fonds propres nécessaires à une société ne peut ainsi être menée de façon sensée que par une analyse de ses activités et de son environnement, sans pour autant qu’il s’agisse d’une science exacte. Bien souvent, cette analyse sera à revoir périodiquement en fonction de l’évolution des circonstances.
  • Dans la pratique de l’économie mixte, force est de constater que les risques financiers encourus, voire assumés effectivement par la trésorerie, ne sont pas toujours couverts par des fonds propres ou qu’ils le sont avec des délais tels qu’ils provoquent des difficultés importantes. Là, il faut bien reconnaître fondées les critiques des Chambres régionales de comptes : rares sont les SEML qui ont un véritable risque d’entreprise (qu’il s’agisse d’opérations propres ou de fonctionnement) et qui en prévoient le financement. À cela, il faut ajouter la programmation, dans le temps des besoins de financement : les risques ne se réalisent pas tous en même temps.
  • ils sont ainsi diminués des frais d’établissement, de certaines charges à répartir… ;
  • et peuvent être augmentés des provisions à caractère de réserves, voire d’avances…Le capital privé d’une société d’économie mixte locale peut parfaitement être constitué de fonds publics. C’est que la loi définit les sociétés d’économie mixte locales comme celles dont plus de la moitié (et moins des quatre cinquièmes) du capital est détenu par des collectivités territoriales ou leurs groupements. Et seules les participations de ces personnes morales de droit public seront décomptées pour savoir si le critère de composition du capital est ou non respecté. À l’inverse sont considérées comme relevant de l’actionnariat « privé » toutes les personnes autres que les collectivités territoriales et leurs groupements : citons, pour exemple, les chambres de commerce et d’industrie, les offices d’HLM…La place des entreprises privées dans le capital d’une SEML semble, à première vue, peu enviable :
  • Mais la SEML peut aussi faire appel, pour la composition de son actionnariat, à des organismes qui relèvent certes du droit privé mais sont néanmoins l’émanation d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités : une société d’économie mixte ou une association… Toutes les SEML, tant s’en faut, ne concernent pas de tels actionnaires privés. Les banquiers et les opérateurs qui interviennent dans le domaine de compétence des SEML sont aussi présents à leur capital. Et l’on est ainsi tout naturellement amenés à s’interroger sur les motivations qui les y conduisent.
  • Quels partenaires privés ?
  • en termes de pouvoir, et sauf cas des sociétés anciennes, la majorité des voix dans les organes de la société (conseil d’administration et assemblées générales) doit appartenir aux collectivités territoriales ; cette disposition ne laisse aux actionnaires privés qu’un rôle de minoritaire dans la gestion de la société, même s’ils détiennent plus du tiers du capital les plaçant en position d’arbitre dans les assemblées générales extraordinaires ;
  • en termes d’argent, même si certaines SEML distribuent des dividendes, elles restent encore rares à observer de telles pratiques ; il convient d’ailleurs de noter la différence qui existe, au plan fiscal, entre les collectivités territoriales qui sont exonérées d’impôt sur les sociétés et ne peuvent récupérer l’avoir fiscal attaché aux dividendes distribués et les entreprises privées qui sont normalement soumises à l’impôt et peuvent imputer l’avoir fiscal lié aux dividendes perçus : souvent, il s’agit plus d’un frein psychologique qui fait obstacle à la rémunération du capital investi.Dans le domaine de l’environnement, notamment, le partenariat entre les secteurs public et privé peut s’avérer indispensable dans la mesure où les entreprises privées disposent d’un savoir-faire particulier touchant parfois à l’industrie. Mais la question se pose de savoir si la SEML est le lieu le mieux adapté pour un tel partenariat. À cette occasion, il est ainsi possible de s’interroger sur :
  • Mais le partenariat entre le public et le privé au sein d’une SEML peut prendre des formes différentes qui ne sont guère facilitées, il est vrai, par l’évolution de la réglementation. C’est ainsi que l’établissement financier actionnaire de la SEML peut être aussi son banquier ou que le promoteur a pu être un partenaire actif…
  • la capacité de la SEML à se voir confier une mission par les collectivités compétentes en dehors du formalisme prévu par le code des marchés publics ou par la loi sur les délégations de services publics ;
  • la possibilité de la SEML de choisir librement ses fournisseurs ;
  • la clarté, sinon la transparence, des relations nouées entre les différents partenaires en présence, en termes tant de pouvoir que d’argent ou de responsabilité.Avant d’aborder les différents apports au capital d’une SEML, sous leurs aspects juridiques et comptables, il est utile de préciser leur consistance économique et financière. Pour notre part, nous distinguons deux catégories d’apports :
  • Quels apports ?
  • ceux comportant un consistance économique et financière, c’est-à-dire ceux qui se traduisent par la transmission à la société de richesses réelles ;
  • ceux dont la consistance est essentiellement juridique ou comptable, c’est-à-dire sans relation avec leur valeur réelle. Il faut noter que les critères de cette distinction ne recoupent nullement ceux habituellement retenus pour les apports en numéraire ou en nature ; pour chaque cas, il faut donc s’interroger sur la réalité économique et financière de l’apport consenti.À première vue, il peut paraître surprenant de s’interroger sur la consistance économique et financière d’un apport en numéraire : comment l’apport d’argent pourrait-il ne pas transférer à la société de richesses ? Mais il faut analyser les circonstances de chaque espèce et la notion même d’apport en numéraire. Les actionnaires de la SEML peuvent décider de procéder à une augmentation de capital à libérer moyennant l’apport de fonds nouveaux. Pour autant, la société pourra ne pas disposer, une fois les formalités accomplies, de tous les fonds correspondants :
  • Les apports en numéraire
  • il faut rappeler que les fonds qui doivent être versés sans délai par les actionnaires représentent la totalité de la prime d’émission et le quart du capital (ou la moitié si l’on se situe à la constitution de la société) ;
  • le surplus des sommes peut n’être appelé que dans un délai de 5 ans par la société. Si l’augmentation de capital décidée avait pour objet de couvrir un besoin de financement de la société, il peut s’avérer utile de comparer ce besoin de financement, non pas avec le produit total de l’augmentation de capital, mais avec le produit réellement encaissé à la suite de la réalisation de l’augmentation de capital.
  • Mais la notion même d’apport en numéraire ne signifie nullement que des fonds nouveaux sont attribués à la société qui augmente son capital. Sont ainsi considérés comme des apports en numéraire :
  • le paiement de dividendes en actions ; la distribution d’un dividende (prélevé sur les résultats ou les réserves) qui ne surviendrait que pour procéder à une augmentation de capital ne comporte aucun enrichissement de la société : il pourra s’agir, tout au plus, d’une recomposition des postes de capitaux propres ;
  • la libération du capital avec une ou plusieurs créances liquides et exigibles ; certaines avances ou comptes courants peuvent ainsi être rendus exigibles par anticipation afin de servir à la libération du capital souscrit, étant précisé que cette libération intervient alors au jour de l’assemblée générale décidant l’augmentation de capital : si ces avances ou comptes courants ne comportaient pas de rémunération ni de terme précis de remboursement, il est possible de considérer que leur utilisation n’entraîne pas d’enrichissement de la société (a fortiori si ces avances ou comptes courants ont déjà été comprises dans le calcul du fonds de roulement ou du potentiel financier).La principale difficulté des opérations d’apport en nature (et sur ce plan, il est possible de procéder à l’assimilation des simples apports en nature avec les apports-fusions) tient à l’évaluation des biens et droits objets de l’apport. Et pourtant le contrôle de l’évaluation des apports en nature consentis à une SEML est, dans certains cas, double :
  • Les apports en nature
  • conformément au décret n° 86-455 du 14 mars 1986, le service des domaines doit fournir un avis préalable pour les acquisitions immobilières des SEML ; notons au surplus que le service des domaines doit aussi être saisi pour les cessions immobilières des collectivités territoriales ;
  • en application de la loi sur les sociétés commerciales, les apports en nature donnent lieu à l’intervention d’un commissaire aux apports dont la mission consiste à apprécier l’évaluation donnée aux biens ou droits objets de l’apport par les actionnaires de la société bénéficiaire des apports.La consistance des apports en nature peut être très variée ; il peut s’agir de biens ou de droits. Parmi les apports qui peuvent se rencontrer dans les SEML, peuvent être cités :
  • Mais, et ce point mérite d’être souligné, la valeur donnée aux biens ou droits apportés à la société, même si elle reflète une réalité économique, ne comporte pas forcément un accroissement de la richesse de la société. Pour illustrer un tel propos, un exemple simple peut être présenté dans le domaine de l’immobilier. Supposons un immeuble dont la valeur vénale n’est pas contestable car elle correspond à la valeur du marché, c’est-à-dire au prix qu’accepterait d’en donner un bon père de famille agissant avec la prudence requise. Pour autant l’exploitation ou même la simple conservation de ce bien peut être à l’origine de charges qui ne seront pas toujours couvertes par des produits. Dans une telle hypothèse (et l’on peut penser aux terrains à bâtir localisés dans une SEML à titre de portage pour des jours meilleurs ou à des immeubles destinés à la location qui n’ont pas de locataires), la société bénéficiaire de l’apport connaîtra un appauvrissement – même s’il n’est que temporaire – correspondant aux charges nettes supportées. En d’autres termes, l’apport en nature d’immeubles dans un tel cas peut effectivement reconstituer les fonds propres de la société, voire son capital, sans pour autant que cette reconstitution amène une amélioration de la situation financière réelle. Et cet exemple, pour exagéré qu’il semble, n’est malheureusement pas toujours théorique. Il illustre bien la distance qui sépare les principes de rigueur financière qui relèvent du bon sens des règles juridiques et comptables dans leur application la plus formelle.
  • les biens ou les droits immobiliers, étant notamment souligné que ces droits peuvent être réels (baux emphytéotiques, à construction…) ou personnels ;
  • les droits tirés d’un contrat comme dans le cas d’une concession de service public (cas de la valorisation des droits du concessionnaire apportés au capital) ;
  • les brevets (et l’on peut notamment penser aux brevets qui pourraient exister en matière de droit de l’environnement)…Les impacts budgétaires chez la collectivité territoriale
  • Dans le cas de participation d’une collectivité territoriale à la restructuration du capital d’une SEML, la question qui se posera fréquemment est de mesurer les incidences budgétaires et comptables de telles opérations. Plus précisément, il s’agira de déterminer les moyens budgétaires que la collectivité territoriale doit dégager pour mettre en œuvre la recomposition du capital envisagée. En résumé, les principales contraintes qui pèsent sur la collectivité territoriale participant à une augmentation de capital sont les suivantes :
  • Dans chacun de ces cas, et quel que soit le contenu de l’apport consenti, une attention particulière ne peut qu’être recommandée pour leur évaluation au regard des besoins réels de la société et des objectifs poursuivis.
  • dans le cas d’apport d’argent frais, les moyens budgétaires seront à dégager au rythme des décaissements, c’est-à-dire de la libération du capital ;
  • la consolidation d’avance en capital s’analyse en opération d’ordre budgétaire dans la section d’investissement ;
  • l’apport de biens comportera une double conséquence :-   en supprimant, pour l’avenir, la ressource ou la charge nette tirée de l’exploitation des biens apportés qui relève généralement, au moins pour partie, du fonctionnement.
  • Bien entendu, la logique veut que ces différents aspects soient examinés attentivement lors de la restructuration du capital d’une SEML de façon à ce que les décisions soient prises en toute connaissance de cause. Le principe général que l’on en tire peut s’énoncer simplement : si l’apport comporte un enrichissement réel, aux plans économiques et financiers, de la SEML, la collectivité devra dégager les ressources budgétaires correspondantes.
  • –   l’apport consenti pourra dégager une plus-value qui ne comportera pas d’incidence budgétaire réelle puisqu’il s’agit d’opérations d’ordre ;

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