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Comptes de la gestion de service public

La note 11 – janvier 1998

L’ANALYSE DES COMPTES D’UNE OPÉRATION DE GESTION DE SERVICE PUBLIC

 

La lecture de la presse de ces derniers mois ou années a largement fait ressortir l’intérêt porté par les citoyens à cette notion bien française de service public. Bien sûr, de nombreux articles n’avaient que pour objet de souligner ou constater la situation financière de certains de ces services ou équipements publics. Et l’on peut aussi constater que les services ou équipements publics dont la responsabilité incombe aux collectivités territoriales font l’objet d’une attention toujours plus grande de la part des citoyens et des usagers ; citons, à titre d’exemple, l’eau, l’assainissement, le stationnement…

Mais, dans la pratique, une large part de ces services et équipements sont confiés en gestion à des personnes privées, dont des SEML, selon des modalités diverses. Et, récemment (lois ATR et du 8 février 1995), les collectivités territoriales ont été soumises à une obligation d’information, notamment financière, sur la gestion de ces services.

La compréhension des comptes d’une gestion déléguée de service – ou équipement – public et l’analyse financière de cette gestion suppose une démarche dont les étapes essentielles sont les suivantes :

–   il convient en premier lieu de bien définir qui de la collectivité ou du délégataire supporte le coût de l’investissement, étant précisé que très généralement ce coût est réparti selon des proportions variables ;

–   il faut ensuite s’interroger sur les tarifs pratiqués et établir le lien de ces tarifs avec le charges de gestion ;

–   enfin la question de l’utilisation des comptes de la gestion du service doit être abordée en précisant les modalités particulières d’enregistrement qui en découlent.

Le présent exposé a pour objet de tenter, en recourant à des exemples chiffrés, de présenter cette démarche en soulignant les principaux aspects à examiner pour comprendre la situation financière d’un service public.

LA RÉPARTITION DE LA CHARGE D’INVESTISSEMENT

Une des principales caractéristiques des équipements publics est la difficulté à couvrir les charges d’investissement au moyen des seules recettes de gestion. Il suffit, pour s’en convaincre, de faire référence à ces notions financières apparues récemment de petit, moyen et grand équilibre. Et la tendance s’est aussi manifestée tout au long des années, dans les délégations de services publics, d’une évolution des contrats visant à transférer à la collectivité publique la charge des investissements de façon à afficher un résultat de gestion équilibré.

Les principes contractuels

Dans le cas de délégation de service public ou de gestion d’équipement sous la forme de mandat ou apparentée, il est clair que le risque financier incombe en totalité à la collectivité de sorte qu’il est de peu d’intérêt de disserter longuement sur les questions de répartition de la charge d’investissement.

En matière de concession de service public ou de travaux publics, il est clair que le principe général veut que l’investissement soit financé par le concessionnaire qui en répercute le coût sur les usagers pendant la durée de la concession. Mais la pratique des concessions a fait ressortir, au fil du temps que des aménagements pouvaient être apportés à ce principe général. Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui des équipements qui sont apportés gratuitement dans le domaine de la concession, qu’ils soient ou non déjà amortis : dans une telle hypothèse, il est clair que la charge d’investissement n’est pas transférée à l’usager mais laissée à la charge du contribuable.

En matière d’affermage – qui est, il convient de la rappeler, une variété de la concession -, le coût de l’investissement est également, dans les principes, normalement supporté par le fermier qui en répercute le coût sur l’usager. Même si les investissements sont réalisés par la collectivité, ils sont en effet mis à la disposition du fermier moyennant une redevance destinée à en couvrir le coût. Mais ici encore la pratique des contrats limite l’application stricte de ces principes généraux : il arrive ainsi fréquemment que la redevance exigée du fermier ne couvre pas la charge réelle de financement des investissements de sorte que le contribuable joue le rôle de l’usager, au moins pour partie.

Il est certain que l’analyse des contrats conclus entre la collectivité territoriale et le délégataire du service (concessionnaire ou fermier) est indispensable à l’appréhension de la réalité économique de la gestion du service ou de l’équipement.

Les autres techniques de répartition de la charge d’investissement

Indépendamment des pratiques décrites plus haut qui sont inhérentes aux contrats administratifs de concession ou d’affermage, d’autres techniques existent qui ont pour effet de transférer à la collectivité tout ou partie de la charge d’investissement qui doit normalement être supportée par l’usager.

La première de ces techniques consiste pour la collectivité à contribuer au financement des investissements du concessionnaire ou du fermier par octroi de subvention d’équipement, payable en une fois ou bien encore par annuités. Il faut préciser que le cas de subvention payable par annuités suppose que le concessionnaire ou le fermier contracte un emprunt dont le service (les annuités) est remboursé par la collectivité.

Une autre technique qui pourrait trouver application au cas des SEML et conduisant la collectivité à financer effectivement les investissements, consiste pour celle-ci à doter la société d’un capital important pour couvrir les immobilisations. Mais la principale difficulté de cette technique qui en limite l’utilisation est la nécessité, en SEML, de disposer de partenaires privés apportant au capital au moins le quart des fonds mis dans ces sociétés par les collectivités territoriales. Il convient d’ajouter, pour la bonne compréhension de cette difficulté, que les investissements en matière de gestion de service ou d’équipements publics sont souvent forts importants.

Mais la collectivité peut aussi être conduite à verser des subventions d’exploitation – à distinguer des subventions d’équilibre qui sont prohibées par la loi Galland – dont l’évaluation a pu être faite précisément pour lui transférer une partie du coût de l’investissement. Et cette pratique peut parfaitement se combiner avec la technique exposée à la suite (par exemple subvention d’exploitation destinée à financer des travaux dont on s’interrogera longuement sur le point de savoir s’ils relèvent de l’investissement ou de l’exploitation et que par commodité – fiscale notamment – le fermier ou le concessionnaire a inscrit dans ses charges).

Plus délicate dans son appréhension est la technique qui consiste à utiliser la confusion qui existe entre les notions d’investissement, d’aménagement complémentaire, d’amélioration, de grosses réparations et de gros entretien. Il est de règle, en particulier en affermage, que tout ce qui relève de l’investissement soit de la compétence de la collectivité et que l’entretien incombe au fermier. Plus difficile à trancher est la question du gros entretien et de la grosse réparation, a fortiori lorsqu’il s’agit de distinguer sur une facture ces deux notions. Il faut enfin ajouter qu’en pratique, pour rendre ces sujets encore plus obscurs, ce qui relève de la collectivité – par exemple la grosse réparation – peut faire l’objet d’un budget convenu entre les parties de sorte que le critère de distinction des dépenses n’est plus leur nature mais leur ligne budgétaire.

Il convient enfin de citer, pour mémoire au moins, les montages complexes qui ont pu être mis en place pour financer les investissements tels que les baux sur domaine des collectivités, les financements par crédit-bail ou lease-back (notamment SOFERGIE)…

LES CONTRAINTES DE L’EXPLOITATION

La question des tarifs

Le principe général en matière de service public délégué à une SEML est que les tarifs pratiqués doivent permettre de faire supporter à l’usager son coût tant d’investissement que d’exploitation.

Compte tenu des développements qui précédent relatifs à la prise en charge du coût de l’investissement, il est clair que les tarifs qui peuvent être fixés n’incluent qu’une partie du coût de l’investissement.

Un exemple simple permet de mieux appréhender une telle réalité : supposons un investissement de 1 000 financé à hauteur de 200 par la collectivité, sous une forme ou une autre, d’une durée de vie de 25 ans :

–   le coût annuel à facturer aux usagers, au moins au stade de la fixation des tarifs, voudrait que la charge annuelle d’investissement – c’est à dire d’amortissement soit de 40 (soit 1 000 : 25) ;

–   bien entendu, ce montant de 40 est à comparer, en supposant l’investissement financé dans sa totalité par emprunt de 15 ans au taux de 10 %, avec l’annuité qui en découle de 131,5 ;

–   enfin, la tentation est souvent grande de retenir pour la fixation des tarifs un montant de 32 (soit 800 : 25), c’est-à-dire de ne pas répercuter sur l’usager ce qui a pu être appelé auprès du contribuable ;

notons qu’une telle pratique se heurte à la contrainte fiscale en matière de TVA qui oblige à facturer à l’usager le coût total de l’investissement pour que la TVA correspondante soit récupérable.

Mais si l’on introduit dans la démarche d’appréciation des tarifs pratiqués la notion de fréquentation du service ou de l’équipement, la question se complique encore. Pour reprendre l’exemple précédent, il peut être supposé qu’il était prévu la possibilité de facturer annuellement 50 usagers.

Dans une telle hypothèse, qui est d’ailleurs une situation qui se rencontre au moment du montage des dossiers :

–   le coût de l’investissement inclus dans le tarif unitaire fixé au départ sera de 0,8 (soit 40 : 50) ;

–   ici encore, il convient de comparer ce montant unitaire au coût réel de l’annuité d’emprunt de 2,63 (soit 131,5 : 50) ;

–   enfin, et ce sera la situation de toute analyse financière faite presque par définition a posteriori, il faudra constater, pour une année donnée que la fréquentation n’a été que de 45 de sorte que le coût unitaire d’investissement facturé sera de 0,88 (soit 40 : 45) ou 0,72 (soit 40 : 50 x 45), selon la façon dont le calcul est présenté.

Il convient d’ailleurs de souligner que sur le plan de la TVA, cette incertitude du calcul est largement utilisée pour argumenter que le coût de l’investissement est bien pris en compte dans la fixation du tarif. Plus généralement – et il est possible de renvoyer à quelques exemples dont la presse s’est fait l’écho – il n’est pas rare que les difficultés de gestion d’un service ou d’un équipement soient attribuées plus à une fréquentation trop faible qu’à un tarif trop bas, au demeurant très élevé pour l’usager.

Bien entendu, tous les développements qui précèdent relatifs à la question de fréquentation de l’équipement ou du service valent non seulement pour les charges d’investissement mais aussi pour celles d’exploitation, étant précisé que pour ces dernières il convient de recourir à la distinction habituelle entre :

–   les charges fixes qui sont à supporter en tout état de cause quelle que soit la fréquentation ;

–   les charges variables en fonction de cette fréquentation.

Les frais de gestion

L’analyse des frais de gestion d’un service ou d’un équipement public ne requiert que très peu de commentaires, ceux-ci ne comportant pas, à raison du caractère administratif des contrats conclus, de particularité.

Il sera donc fait application des principes généraux en matière d’analyse financière et plus précisément de bon sens. C’est ainsi qu’il serait inopportun de s’interroger, le cas échéant, sur le niveau des frais de personnel pour une SEML de transport urbain ou sur une SEML dont la gestion est confiée à un prestataire de services.

LES COMPTES DE LA GESTION DE SERVICE PUBLIC

Il faut noter que le plan comptable des entreprises concessionnaires de service public est en cours de réforme, et ce depuis plusieurs années : les règles qui sont exposées ci-après sont donc susceptibles d’évolution dans un avenir dont le terme reste à fixer.

Les opérations en régie

Selon les dispositions du plan comptable général, la gestion d’un service public en régie constitue une opération de mandat à traiter comme telle. Les développements exposés pour les mandats d’aménagement valent donc aussi pour la gestion d’un service public en régie, intéressée ou non.

Les opérations sous concession

Les investissements

Postes du bilan concernés :

–   immobilisations en concessions

–   droits du concédant

 

Modes d’évaluation :

Pour la présentation des comptes au bilan de l’entreprise concessionnaire, il est fait application des règles suivantes :

–   les investissements qui sont compris dans le domaine de la concession (c’est-à-dire les biens de retour et ceux de reprise) sont portés sur une ligne distincte de l’actif immobilisé intitulée « immobilisations en concession »

–   constatation dans les fonds propres de l’entreprise au compte « droits du concédant » pour ce qui concerne les biens devant lui revenir gratuitement en fin de concession :

.    de la valeur des biens apportés gratuitement par le concédant à la concession

il est, pendant la durée de la concession, procédé à l’amortissement de ces biens, la charge correspondante venant en diminution des droits du concédant : pour ces biens, le solde du compte « droits du concédant » à la clôture d’un exercice correspond à leur valeur nette comptable

.    de l’amortissement de caducité des biens mis dans la concession par le concessionnaire ou par le concédant à titre onéreux ainsi que des subventions reçues les finançant

L’amortissement

Postes du bilan concernés :

actif :

–   amortissement des immobilisations

passif :

–   droits du concédant

Postes du compte de résultat concernés :

autres charges d’exploitation :

–   dotation aux amortissements de caducité

 

Modes d’évaluation :

Par application de la règle générale, les immobilisations sont amorties sur leur durée probable d’utilisation, sans qu’il soit fait référence à la durée de la concession.

Toutefois, les biens mis en concessions par le concessionnaire, c’est-à-dire constitutifs pour lui d’une charge, font l’objet de la constatation d’un amortissement de caducité :

–   l’amortissement de caducité est inscrit dans les fonds propres du concessionnaire au poste « droits du concédant » : il constitue pour le concessionnaire une charge d’exploitation

–   il ne vise que les immobilisations remises gratuitement au concédant à la fin de la concession

–   il peut être calculé selon le mode financier, c’est-à-dire à hauteur des remboursements d’emprunts souscrits pour financer les biens de la concession

L’amortissement pour dépréciation des biens porté en diminution de l’actif est constitué par reprise sur le poste « droits du concédant », alimenté par l’amortissement de caducité.

La provision pour renouvellement

Postes du bilan concernés :

actif :

–   immobilisations en concession

–   amortissement des immobilisations

passif :

–   droits du concédant

–   provision pour renouvellement

Postes du compte de résultat concernés :

autres charges d’exploitation :

–   dotation à la provision pour renouvellement

 

Modes d’évaluation :

Les biens de la concession devant être renouvelés, une ou plusieurs fois pendant sa durée et revenant gratuitement au concédant à son expiration, donnent lieu à la constitution d’une provision pour renouvellement.

La provision pour renouvellement est constituée par dotations inscrites dans les charges du compte de résultat. Elle est évaluée, pour un bien donné, à hauteur de la différence entre son coût initial d’entrée dans le domaine de la concession et son coût de renouvellement. Elle figure au passif du bilan dans les provisions pour risques et charges. Lorsqu’un bien est renouvelé :

–   la provision correspondante est virée au compte « droits du concédant »

–   la valeur nette comptable du bien renouvelé est sortie des immobilisations mises en concession (immobilisations et amortissement)

–   le prix d’achat du bien de remplacement est inscrit dans les immobilisations de la concession

La provision pour grosses réparations

En tant que de besoin, une provision pour grosses réparations est à constituer pour faire face aux dépenses de cette nature requises par le traité de concession.

Les opérations sous affermage

Le principe a été posé par la commission « concessions » du CNC qui mène actuellement des réflexions pour la refonte du plan comptable des entreprises concessionnaires de faire application des principes qu’il énonce au cas des affermages.

Il convient toutefois de noter que cette commission n’a pas encore tranché sur le point de savoir si les biens mis en affermage devaient être ou non inscrits à l’actif du bilan sur une ligne distincte des immobilisations avec comme contrepartie la constatation des droits de la collectivité publique sur une ligne des fonds propres intitulée « droits du concédant ».

La redevance d’affermage est, quant à elle, inscrite dans le compte « autres charges » figurant au débit du compte d’exploitation.

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