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Quelle modernisation des SEM ?

La note 32 – février 2002

Elle était attendue depuis quelques années et la voilà qui ouvre l’année : la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des sociétés d’économie mixte locales. Le titre même de ce texte amène à s’interroger sur cette modernisation et force est de constater que son contenu est d’importance très inégale selon ses articles. Sans passer en revue toutes les dispositions de la loi nouvelle, l’on peut en examiner les principales.

Plus d’argent public pour les SEML

À une époque où l’on entend parler de « mondialisation » et où l’on assiste à des essais de privatisation progressive de services ou d’entreprises publics, les SEML françaises sont encore plus ancrées dans la mouvance publique.

Jusqu’alors, les actionnaires « privés » de ces sociétés devaient détenir au moins 20 % de leur capital et la participation des collectivités territoriales ou leurs groupements était ainsi plafonnée à 80 %. Désormais, la part des collectivités est portée à 85 % puisque les actionnaires « privés » doivent participer à 15 % au moins du capital.

Une vielle revendication des SEML est maintenant satisfaite : les collectivités territoriales qui en sont actionnaires pourront leur apporter des fonds sous forme d’avance en compte courant. L’on avait, un temps seulement, pensé que si la loi autorisait les collectivités territoriales à participer au capital de sociétés commerciales, elles disposaient de tous les attributs en découlant et notamment de la possibilité de constituer des comptes courants. Mais la jurisprudence[1] ne l’entendait pas ainsi et elle a ainsi convaincu l’administration et une partie de la doctrine. Si ce principe simple est désormais reconnu par la loi, son application s’inscrit toutefois dans des modalités largement détaillées dans ce texte, plus un décret à paraître.

  • Les avances sont limitées dans le temps (durée de 2 ans renouvelable une fois au plus) et dans leur montant (les avances d’une collectivité aux SEML ne peuvent excéder 5 % de ses recettes réelles de fonctionnement).
  • Elles ne peuvent être consenties à une société se portant mal, c’est-à-dire dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social du fait des pertes constatées.
  • Elles sont soit remboursées soient transformées en augmentation de capital à leur échéance.
  • Leur réalisation est soumise à la décision de l’assemblée délibérante de la collectivité et suppose la conclusion d’un contrat entre les parties.
  • Quant à leur rémunération, si le principe en est désormais acquis, il faut attendre la publication du décret prévu par la loi pour connaître les modalités de sa fixation.

Disposition surprenante de la loi : la possibilité dont les SEML semblent désormais disposer de distribuer, sur fonds publics, des aides économiques aux entreprises. Un article L. 1523-7 est introduit dans le code général des collectivités territoriales qui permet à ces dernières de financer les SEML par avances et subventions pour des programmes d’intérêt général liés à la promotion économique du territoire ou à la gestion de services communs aux entreprises. C’est là un bien grand privilège des SEML par rapport aux associations ou aux EPCI qui se livrent aujourd’hui à la même activité sans une telle protection légale. Ces dispositions font penser que les communes pourront désormais aider les entreprises, à la condition qu’elles le fassent en passant par l’intermédiaire d’une SEML…

Ce qui aurait dû aller sans dire ira-t-il mieux en légiférant ?

Divers articles de la loi ne contiennent que l’énoncé ou le rappel de principes dont l’application aux SEML était cependant contestée ici et là.

Il en est ainsi pour l’éligibilité au FCTVA des participations à l’équilibre financier d’une convention publique d’aménagement, dès lors qu’elles constituent un moyen de financement d’un équipement public incorporé au domaine de la collectivité territoriale qui les verse. Le nouvel article L. 1615-11 du code général des collectivités territoriales, en précisant les conditions d’application de ce principe, fait songer que s’il était contesté, c’est que la notion même de convention publique d’aménagement était méconnue : la production d’équipements publics partiellement financés par la vente de terrains à bâtir[2].

Pareillement pour le rappel, introduit à l’article L. 1524-1 du code général des collectivités territoriales, de la nécessité d’une décision de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale actionnaire d’une SEML pour modifier ses statuts : il était déjà certain, si l’on en croît la loi du 2 mars 1982, que ces collectivités « s’administrent librement par des conseils élus » et que leurs représentants dans la SEML ne sont que des mandataires.

Pareillement pour le dernier alinéa de l’article L. 1411-3 du même code : le rapport annuel produit par le délégataire de service public à la collectivité territoriale organisatrice est à soumettre à l’assemblée délibérante : était-il donc soigneusement archivé dès sa réception ?

Pareillement pour la possibilité, pour une SEML en cours de constitution, de présenter sa candidature lors d’une procédure de délégation d’un service public. L’ajout d’un alinéa à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales en ce sens n’apporte pas réellement de nouveauté. Il réconforte cependant les SEML pour ce qu’elles se verront désormais disposer des mêmes chances que les autres entreprises. Ou, dit autrement et comme l’on sait que l’esprit de la procédure de délégation de service public est de « consulter largement et de négocier avec qui l’on veut », les collectivités territoriales qui veulent gérer tel service au moyen d’une SEML ne se verront plus opposer d’objection à raison de l’inexistence de la SEML, dès lors que les formes sont respectées.

Pareillement pour les actionnaires « privés » des SEML de pouvoir en être aussi les fournisseurs. Rien dans le droit ne semblait l’empêcher, mais l’article 9 de la loi de modernisation des SEML le précise. Et cette précision comme les termes employés suscitent une interrogation : ne peut-on faire que ce que la loi autorise expressément ou tout ce qu’elle n’interdit pas. C’est que cet article permet aux actionnaires de n’avoir pas leur candidature écartée à raison de cette qualité dans les appels d’offres ; en ira-t-il de même pour les marchés sans formalisme ou les marchés négociés ?

Pareillement pour les précisions relatives aux « conventions à contenu obligatoire » que les SEML concluent avec leurs clients que sont les collectivités territoriales et qui sont désormais limitées aux seules conventions d’aménagement. L’on savait déjà que les prestations de services fournies par les SEML relevaient du code des marchés publics ; que les délégations de service public du code général des collectivités territoriales et que la construction de logements sociaux ne nécessitait pas de telles conventions. Et la réforme des conventions d’aménagement (notamment des conventions publiques qui ont succédé aux concessions) introduite par cette loi sur les SEML n’est qu’une adaptation aux prescriptions de la loi « SRU »[3] reprise dans le code de l’urbanisme aux articles L 300- et 300-5.

Pareillement pour les effets du transfert de compétence d’une commune à un EPCI : la logique voudrait que les biens nécessaires à l’exercice de cette compétence soit aussi transférés à l’EPCI. Comment concevoir qu’une commune participe au capital d’une SEML pour une compétence dont elle s’est dessaisie ? Mais, sur ce point, la loi permet un moyen terme : la commune pourra rester au capital de la SEML pour le tiers de la participation dont elle disposait avant le transfert de la compétence à l’EPCI. Il lui faudra donc transférer les deux tiers de sa participation.

Pareillement pour la refonte du sort de contrats d’aménagement ou de délégation de service public dans le cas de liquidation judiciaire de la SEML qui en est titulaire. La loi nouvelle se borne à rappeler la prédominance de l’intérêt général sur les intérêts privés en obligeant la collectivité territoriale organisatrice à reprendre à son compte l’opération d’aménagement ou le service public moyennant indemnisation de la SEML dont les modalités de calcul doivent relever du contrat initial[4].

En définitive : pas d’innovation majeure

La principale originalité des SEML françaises tient, depuis 1983, à leur contrôle par les collectivités territoriales actionnaires qui sont majoritaires. Ce principe n’est pas modifié par la loi nouvelle ; il est simplement renforcé.

Pour ce qui concerne l’activité même de ces sociétés, la loi n’apporte pas vraiment de nouveauté : l’on aura toujours affaire à des SEML de logement, d’aménagement ou de gestion d’équipements ou de services publics. La véritable modification a été apportée par la loi « SRU » qui introduit la notion de « renouvellement urbain » et compte manifestement sur les SEML pour en être des acteurs actifs.

Mais l’on peut être plus positif dans l’appréciation de ce texte si l’on en retient qu’il apporte de nombreuses précisions sur le mode de fonctionnement des SEML en donnant force légale à des pratiques qui, bien que pouvant être fondées en droit, n’en étaient pas moins contestées ici ou là.

[1] : C’est le sens, au début des années 90, de la décision prise au sujet de la SEML « grands hôtels de Vichy ».
[2] « Et de là était né son vif désir de connaître le baron Hartmann, lorsqu’il avait appris que le Crédit Immobilier, par un traité avec l’administration, prenait l’engagement de percer et d’établir la rue du Dix-Décembre, à la condition qu’on lui abandonnerait la propriété des terrains en bordure.

– Vraiment, répétait-il en tâchant de montrer un air naïf, vous leur livrerez la rue toute faite, avec les égouts, les trottoirs, les becs de gaz ? Et les terrains en bordure suffiront pour vous indemniser ? Oh ! c’est curieux, très curieux ! »

Octave Mouret, Au bonheur des dames, Émile Zola
[3] : voir à ce sujet l’article paru dans la revue des études foncières de juin 2001 : les aspects financiers de la convention publique d’aménagement.
[4] : voir à ce sujet l’article publié dans la revue des études foncières de juin 1999 : le sort des concessions en difficultés.

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