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Encore le commissaire aux comptes

Le commissariat aux comptes est encore souvent considéré comme une contrainte à supporter, sans que son utilité soit clairement perçue. Cela tient probablement au fait que son rôle et sa mission sont mal connus. Il n’est donc pas inutile d’en rappeler le contenu en soulignant qu’il est strictement défini par la loi et que les particularités de ses interventions en associations sont très limitées.

Le statut du commissaire aux comptes

D’abord mandataires des actionnaires pour qu’ils puissent se prononcer sur les comptes, les commissaires aux comptes ont été progressivement investis[1] d’une mission d’intérêt général au profit de toutes les personnes (créanciers, fournisseurs, bailleurs de fonds …) qui ont à apprécier la situation d’une entreprise et qui doivent donc pouvoir se fier à ses documents comptables et financiers.

Les commissaires aux comptes exercent une profession réglementée : son organisation et son statut sont fixés par le décret n° 69-810 du 12 août 1969 (modifié en dernier lieu par le décret n° 2005-599 du 27 mai 2005). Seules les personnes physiques ou morales inscrites sur une liste spéciale, dressée dans le ressort de chaque cour d’appel, peuvent exercer ce métier. Cette réglementation est ainsi résumée :

  • la qualification technique des commissaires est assurée par des examens professionnels pour exciper de ce titre, des normes et une déontologie professionnelles et un contrôle de leur activité,
  • leur indépendance résulte de l’incompatibilité de ce mandat avec toute autre activité (l’expert-comptable, le conseil ou l’administrateur d’une entreprise ne peut en être commissaire aux comptes) et d’une définition légale et réglementaire du mandat.

Le recours au commissariat aux comptes est imposé par la loi, lorsque l’entreprise revêt une forme commerciale (sociétés anonymes,…), ou qu’elle exerce une activité économique importante (entreprises non commerçantes exerçant une activité économique) ou si elle manie de l’argent public (associations subventionnées,…). Si la loi impose la désignation d’un commissaire aux comptes, l’entreprise peut toujours en désigner deux : ils se répartissent alors le travail et la responsabilité du mandat. Ce mandat s’inscrit dans les prescriptions légales sans qu’il soit possible d’en limiter ou d’en augmenter le contenu[2].

Le commissaire aux comptes et son suppléant sont nommés par l’assemblée générale pour 6 exercices (dans les statuts, à la constitution de l’entreprise). Il est renouvelable à chaque échéance, sans limitation[3]. La récusation judiciaire est possible dans les conditions définies par la loi : la demande ne peut être motivée que par une circonstance permettant de suspecter sa compétence, son honorabilité, son impartialité ou son indépendance à l’égard de l’organe qui l’a désigné.

La rémunération est déterminée à la vacation en fonction du nombre d’heures de travail. Un programme de travail écrit est établi qui décrit les diligences estimées nécessaires, compte tenu des prescriptions légales, des normes professionnelles et des pratiques usuelles et indique le temps à y consacrer ainsi que les honoraires correspondants[4]. Le tarif horaire est fixé par accord entre le commissaire et les dirigeants de l’entreprise. Les honoraires sont supportés par l’entreprise. En cas de contestation, la Compagnie régionale des commissaires aux comptes arbitre et rend une décision opposable.

Le contrôle des comptes

La principale mission du commissaire aux comptes est le contrôle des comptes annuels qui comprennent, de façon indissociable : le bilan, le compte de résultat et l’annexe.

Elle consiste à certifier que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat, de la situation financière et du patrimoine de l’entreprise. La régularité est appréciée au regard des règles et procédures en vigueur. La sincérité est l’application de bonne foi des règles et procédures, en fonction de la connaissance que les responsables des comptes doivent normalement avoir de la réalité et de l’importance des opérations, événements et situations. L’image fidèle est un principe utilisé si les règles sont inexistantes ou insuffisantes pour traduire la réalité économique. Le commissaire aux comptes, doit se forger une opinion – et la formuler – sur le point de savoir si les comptes reflètent bien la situation économique de l’entreprise : l’exactitude des comptes n’est pas certifiée.

Dans son rapport général, le commissaire aux comptes présente à l’assemblée générale ses conclusions. La forme de ce rapport est prévue par les normes professionnelles et les informations qui y figurent sont fixées par la loi. Il comporte trois parties :

  • opinion sur les comptes annuels : l’on y distingue la référence aux contrôles effectués et l’expression de l’opinion sur les comptes annuels (cf. ci-dessous) ;
  • justification des appréciations portées sur les comptes : pour argumenter l’opinion exprimée ;
  • vérifications et informations spécifiques prévues par la loi et les règlements : pour s’assurer de la sincérité des informations fournies par les dirigeants et de leur concordance avec les comptes.

L’opinion sur les comptes est clairement exprimée en première partie du rapport général et ne peut être que l’une des suivantes :

certification pure et simple : les comptes sont certifiés réguliers et sincères et donner une image fidèle de la situation financière, du résultat et du patrimoine de l’entreprise ;

certification avec réserve(s) ; la réserve est l’absence de certification de la régularité, de la sincérité et de l’image fidèle, limitée à un point particulier des comptes ; elle est formulée si :

  • des erreurs, anomalies ou irrégularités existent dans l’application des règles et principes dont l’incidence, bien que significative, est insuffisante pour rejeter l’ensemble des comptes ;
  • une ou des incertitudes affectent les comptes dont la résolution dépend d’événements futurs mais dont l’incidence est insuffisante pour refuser de certifier ;

le commissaire qui formule une réserve en précise clairement les raisons, avec des éléments chiffrés, si possible ;

refus de certification, si le commissaire a constaté :

  • des erreurs, anomalies ou irrégularités dans l’application des règles et principes comptables, suffisamment importantes pour affecter la validité d’ensemble des comptes;
  • des incertitudes affectant les comptes dont la résolution dépend d’événements futurs et dont l’importance est telle qu’il ne lui est pas possible de se faire une opinion sur l’ensemble des comptes.

La responsabilité du commissaire aux comptes ne se confond pas avec celle des dirigeants qui ont la charge d’établir les comptes selon les règles, d’informer correctement les membres, de veiller au bon fonctionnement des services et de contrôler l’activité du personnel. Le commissaire aux comptes n’est pas responsable des irrégularités commises dans l’entreprise qu’il contrôle, sa responsabilité ne jouant qu’en cas de faute dans l’exercice de ses fonctions avec un lien de causalité direct entre la faute commise et le préjudice subi. Il est soumis à une obligation de moyen et non de résultat. Il n’a pas à rechercher les erreurs ou irrégularités de façon systématique qui pourraient entacher les opérations contrôlées. Il doit mettre en oeuvre des diligences – que les normes professionnelles précisent – pour forger son opinion.

Les conventions réglementées

Le commissaire aux comptes présente à l’assemblée générale annuelle son rapport spécial sur les conventions réglementées qui ont produit un effet.

Rappelons simplement ici que les conventions réglementées sont celles conclues entre l’association et ses dirigeants, directement ou indirectement et qui sont soumises à différentes règles faisant appel au commissaire aux comptes[5].L’article L. 612-3 du code de commerce prévoit que cette procédure est déclenchée si le commissaire aux comptes relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

La procédure d’alerte

L’article L. 612-3 du code de commerce prévoit que cette procédure est déclenchée si le commissaire aux comptes relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Les faits concernent la situation financière, économique et sociale de l’entreprise et sont des événements objectifs, survenus ou pouvant survenir, susceptibles d’affecter la poursuite de l’activité dans un avenir prévisible. Ces faits constituent généralement un ensemble d’événements convergents suffisamment préoccupants compte tenu du contexte de l’entreprise.

Dans les associations, la procédure d’alerte peut comprendre 4 phases[6].

  • Le commissaire attire l’attention des dirigeants sur tout fait relevé, de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. En pratique, avant de déclencher l’alerte, le commissaire aura un entretien préalable avec les dirigeants. Il demande, par écrit, des explications et doit exposer les faits et préciser pourquoi ils affectent la continuité de l’exploitation. La réponse des dirigeants doit intervenir sous quinzaine, par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit contenir l’analyse des difficultés et indiquer, éventuellement, les mesures envisagées. Si cette réponse est satisfaisante, la procédure prend fin.
  • À défaut de réponse, ou si elle n’est pas satisfaisante, le commissaire invite, par écrit, les dirigeants à réunir l’organe collégial pour statuer sur les faits relevés. Le commissaire est convoqué à cette séance. Sa délibération est communiquée au comité d’entreprise ou, à défaut, aux représentants du personnel ainsi qu’au Président du tribunal de grande instance.

Innovation de la loi de sauvegarde des entreprises, une information est alors donnée de la situation au président du tribunal de grande instance (par une copie de la lette invitant les dirigeants à réunir leur organe collégial).

Le commissaire est convoqué à cette séance. Sa délibération est communiquée au comité d’entreprise ou, à défaut, aux représentants du personnel ainsi qu’au Président du tribunal de grande instance.

  • En cas d’inobservation de ces dispositions, ou s’il constate qu’en dépit des décisions prises, la continuité de l’exploitation demeure compromise, le commissaire établit un rapport spécial, présenté à la prochaine assemblée générale. Ce rapport est communiqué au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel. Le commissaire peut convoquer l’assemblée, après l’avoir vainement requis des dirigeants.
  • Si, à l’issue de l’assemblée générale, le commissaire constate que les décisions prises n’assurent pas la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le Président du tribunal de grande instance et lui en communique les résultats. Dans cette phase, l’information donnée au président du tribunal de grande instance est complète, sans risque de violation du secret professionnel.

Les limites de la mission du commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes est tenu au secret professionnel pour tous les faits, actes et renseignements dont il a connaissance à raison de ses fonctions. Sauf obligation légale ou réglementaire, il ne peut communiquer aucune information sur l’entreprise qu’il contrôle à toute personne. Cette obligation fixe les modalités de communication entre le commissaire aux comptes et l’entreprise :

 

  • le secret ne vaut pas pour les relations avec les organes de gestion de la société ; le commissaire peut librement communiquer avec le représentant légal de l’entreprise ou en séance du conseil d’administration ; il ne peut en faire autant avec l’un des administrateurs, pris individuellement ;
  • l’assemblée générale ne peut se voir opposer ce secret professionnel pour les seules conclusions du contrôle de l’information financière.

Le commissaire n’est délié du secret professionnel que vis-à-vis de certaines personnes dont les autorités judiciaires (notamment le procureur de la République en raison de l’obligation de lui révéler les faits délictueux dont il a eu connaissance) dans les cas prévus par la loi ainsi que les Chambres régionales des comptes.

La loi interdit au commissaire d’une entreprise de prendre une part quelconque dans sa gestion. Le but est de distinguer les fonctions et les responsabilités de gestion et de contrôle assurées respectivement par les dirigeants et l’organe de contrôle qu’est le commissaire aux comptes. Cette interdiction porte sur :

l’accomplissement d’actes de gestion, directement ou indirectement non plus que par association ou substitution aux dirigeants ;

l’expression de jugements de valeur, critiques ou élogieux, sur la conduite de la gestion en son ensemble ou dans ses opérations particulières.

Cette interdiction ne limite pas le droit du commissaire aux comptes d’être informé de la gestion de la société. Cette information est nécessaire pour l’exercice de son mandat légal, notamment pour la certification des comptes. En pratique, la frontière entre gestion et contrôle est parfois délicate à tracer. Les conflits sur ce point sont cependant rares.

Ce principe souffre d’exceptions de portée limitée ; il en va ainsi de l’appréciation de la sincérité de certaines opérations ou du caractère délictueux de certains faits que le commissaire aux comptes doit révéler au procureur de la République ou de la convocation de l’assemblée générale en cas de carence des dirigeants…

Ce qu’il faut retenir

Le commissaire aux comptes est un professionnel de la comptabilité, indépendant et dont la mission est strictement définie et encadrée par la loi. Lorsque les associations comportent cet organe de contrôle, ses interventions principales sont : la certification des comptes (il faut pouvoir se fier aux comptes produits par les entreprises et c’est en cela que la mission relève de l’intérêt général) ; la participation au contrôle des conventions conclues avec les dirigeants et l’alerte, en cas de risque de défaillance économique. Pour autant, il ne participe nullement à la gestion de l’entreprise qui relève de la seule responsabilité des dirigeants.

[1] : Lois du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, du 1er mars 1984 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, du 29 janvier 1993 dite « anticorruption »…

[2] : L’ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005 relative au commissariat aux comptes a renforcé ce principe par la nouvelle rédaction apportée aux articles 823-9 et suivant du code de commerce.

[3] : Sous réserve de la dernière modification de l’article L. 822-14 du code de commerce pour les associations qui font appel à la générosité publique : le commissaire aux comptes ne peut être renouvelé au-delà des 6 ans (ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005).

[4] : à noter qu’un volume minimal de travail est fixé par l’article 120 du décret précité pour la plupart des entreprises. Mais il est expressément prévu que cette disposition ne s’applique pas aux associations : pour celles-ci le volume de travail est déterminé d’un commun accord avec le commissaire aux comptes.

[5] – Il n’a pas été estimé utile, dans le cadre de cette étude, de détailler cet aspect de l’intervention du commissaire aux comptes : il l’est assez largement dans l’article de Thierry Charles publié dans JURIS ASSOCIATIONS (n° 319, pages 24 s. du 15 mai dernier).

[6] – La procédure décrite ci-dessous est celle qui résulte des nouvelles dispositions issues de l’article 190 de la loi n° 2005-845 de sauvegarde des entreprises qui sont applicables à partir du 1er janvier 2006.

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