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Analyser l’association

La note 14 – septembre 1998

L’ANALYSE FINANCIÈRE ET COMPTABLE DES ASSOCIATIONS DU SECTEUR PUBLIC LOCAL

 

Il est souvent question d’une meilleure transparence des finances locales, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des entreprises qui y sont liées ou bien encore d’audit ou d’analyse financière de collectivités territoriales ou des entreprises en dépendant. Ce phénomène traduit un légitime souci de comprendre les comptes tels qu’ils sont établis et diffusés en application des l’ensemble des règles en vigueur, lesquelles règles sont souvent fort obscures pour des personnes n’étant pas spécialistes de ces questions. Or il en est de la comptabilité comme de toute matière technique : sa complexité pour le profane est plus apparente que réelle et provient, pour une large part, de la méconnaissance de sa logique et de son objet. La comptabilité a pour objet d’enregistrer les opérations économiques effectuées par une personne – physique ou morale – et d’en rendre compte de sorte qu’il soit possible d’en mesurer la richesse en termes, soit statiques (le bilan), soit dynamiques (le compte de résultat). Aussi, pour comprendre les comptes d’une association, est-il indispensable de suivre une démarche cohérente qui comporte les étapes suivantes :

–   la détermination des opérations économiques en faisant plus application du bon sens que d’autres principes ;

–   la définition des contraintes juridiques pesant sur les opérations économiques : par exemple les règles de la TVA immobilière ;

–   la connaissance des états financiers et des règles de leur élaboration pour comprendre la situation de l’activité ou de la personne les produisant.

Connaître l’activité

Les associations peuvent exercer des activités très diverses : l’immobilier, la santé, la culture, le sport, les loisirs, le tourisme, la gestion d’équipements…. Or il est clair que chaque activité obéit à une logique économique propre de sorte que son analyse ne sera sensée que si cette logique a été mise en évidence et que les critères d’appréciation ont été choisis judicieusement. La première étape de l’analyse financière d’une association consiste donc à prendre connaissance de son ou de ses activités. Notons que les constatations opérées à ce moment sont susceptibles de déboucher sur une comparaison entre les réalisations de l’association et son objet ce qui revient à envisager son utilité. Il s’agit, d’abord, de connaître l’environnement de l’association, au sens de son implantation dans le tissu local. À titre indicatif, il convient d’identifier et de situer :

–   les sociétaires et de tenter d’appréhender les raisons qui les ont conduits à constituer ou faire partie de l’association,

–   les dirigeants qui jouent un rôle prépondérant,

–   les partenaires : fournisseurs, bailleurs de fonds…

–   les « clients » ou les bénéficiaires de l’action de l’association.

Mais il faut aussi déterminer l’ensemble des contraintes qui pèsent sur les activités de l’association et qui peuvent provenir des réglementations existantes : il peut s’agir des règles fiscales (TVA par exemple) mais aussi, s’agissant du logement social, des modalités et conditions du financement ou bien encore de tout autre élément. La connaissance de l’environnement de l’association pourra, à une étape ultérieure de l’analyse, être fort utile pour fournir des éclaircissements sur sa situation financière.

Pour exercer ses activités, l’association met en oeuvre des moyens tant en personnel qu’en investissement, matériel ou organisation. La seule description de ces moyens peut constituer un précieux indicateur pour l’appréciation de l’association, de sa gestion et de sa situation financière. À titre d’exemple, il pourra être recherché si l’association recourt au bénévolat et dans quelle proportion, si le personnel employé dispose d’une qualification professionnelle adaptée et si son action s’inscrit dans une organisation structurée ou s’il est plutôt fait appel à la bonne volonté de chacun. Le recours à des prestataires extérieurs mérite, à ce stade d’être signalé : c’est ainsi que l’intervention d’un expert comptable et d’un commissaire aux comptes doit permettre de se faire une première idée de la qualité de l’information financière.

Quelle information financière produite ?

Toutes les associations, il faut de le rappeler, n’ont pas à tenir une comptabilité et à produire des comptes, au sens du droit commercial. Seules certaines sont soumises à de telles obligations d’établissement de comptes annuels, lesquels comptes annuels doivent être contrôlés par un commissaire aux comptes :

–   il s’agit, en premier lieu – et selon les dispositions de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises – des associations dont l’activité est d’une surface financière estimée importante, c’est-à-dire qu’elles excédent deux des seuils suivants : 50 salariés, 20 M.F. de chiffre d’affaires hors taxes, 10 M.F. de total de bilan,

–   il s’agit aussi – aux termes de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 dite « anticorruption » – des associations financées par des fonds publics ; ce texte vise les associations en ayant perçu annuellement plus de 1 M.F..

Dès lors qu’une association entre dans les prescriptions de l’un de ces textes et les respecte, il est possible de disposer d’une comptabilité tenue et vérifiée – et il faut recommander de porter une attention toute particulière aux rapports du commissaire aux comptes – selon les principes généraux. Mais il se peut aussi que l’association n’entre pas dans les dispositions de ces textes et soit néanmoins soumise à une obligation de production d’une comptabilité. Il en est ainsi aux termes du décret-loi du 30 octobre 1935 relatif au contrôle des associations privées subventionnées qui prévoit que toute collectivité publique qui a versé une subvention à une association a droit à la communication de copies certifiées conformes de ses budgets et de ses comptes de l’exercice écoulé. Dans ce cas, une comptabilité doit donc être tenue, très vraisemblablement selon les principes fixés par la réglementation comptable : elle n’est toutefois pas soumise au contrôle d’un commissaire aux comptes. Enfin, les associations du secteur sanitaire et social sont également soumises à la tenue et à la production d’une comptabilité adaptée de l’instruction M 21.

Les associations sont ainsi soumises à la réglementation comptable de l’ensemble des entreprises avec cependant quelques adaptations. Pour l’essentiel, ces adaptations consistent en la faculté de recourir à une ou plusieurs des méthodes suivantes :

–   la valorisation, dans les livres comptables et les documents de synthèse, des contributions volontaires des bénévoles ;

–   l’identification des opérations effectuées pour un projet associatif bien déterminé, des fonds particuliers y étant affectés ;

–   la réévaluation des actifs immobilisés utilisés (cette possibilité est surtout liée à l’absence de conséquence fiscale) ;

–   la valorisation des actifs mis à la disposition de l’association dans les comptes (par exemple dans le cadre d’un commodat).

La seule particularité notable des associations, autre que relevant de la simple nomenclature des comptes utilisés et qui découle du plan comptable de ce secteur est la structure des fonds propres figurant au passif du bilan : notons l’absence de capital social auquel est substitué un fonds associatif, lui même ventilé selon que les sommes apportées sont ou non susceptibles d’un droit de reprise à la disparition de la personne morale.

Une fois connu le cadre comptable de l’association, il convient de se pencher sur l’examen des principes ou méthodes particuliers utilisés. Bien entendu, il s’agit moins de procéder de façon exhaustive que d’opérer un choix des principes et méthodes les plus importants, déterminés en fonction des activités de l’association analysée. C’est ainsi que l’on peut citer :

–   pour les associations intervenant dans le secteur du logement, les modes d’évaluation des amortissements, des provisions pour grosses réparations ou d’enregistrement des charges d’emprunts (par exemple : constatation des intérêts d’emprunts courus et non échus à la clôture de l’exercice) ;

–   pour les associations du secteur médico-social, le mode d’inscription et l’affectation des suppléments de prix des chambres ou bien encore la participation des praticiens au fonctionnement.

Il s’agit de connaître les modalités d’enregistrement des opérations économiques effectuées par l’association et d’apprécier leur validité : il faut en effet rappeler, et c’est là un des buts – non des moindres – de l’analyse, que la lecture des comptes doit permettre de comprendre quelles opérations ont été effectuées puis d’en mesurer les effets financiers. Or la lecture et donc la compréhension des comptes ne peut se concevoir qu’après avoir pris connaissance des principes et modalités de leur tenue ou de leur élaboration.

Quelle consistance de l’analyse financière ?

Pour le technicien, l’analyse financière se conçoit comme devant correspondre à un moyen pour parvenir à :

–   connaître et à rendre compte de l’activité et de la situation financière de l’association – organisme ou société, car ces principes sont généraux – : à cet égard, il faut noter que le recours à une analyse financière d’une entreprise produisant normalement des comptes vérifiés traduit certainement l’obscurité du « langage comptable » ou bien encore les limites des techniques utilisées ;

en d’autres termes, il peut être simplement question que l’analyse financière ait pour seule utilité de « traduire » de façon littéraire et compréhensible pour tous ce qui devrait être compris de la lecture des comptes ;

–   à mesurer le « rendement » de l’activité au sens économique le plus large du terme ; il sera souvent question de comparer les réalisations de l’association avec ses coûts.

La distinction la plus habituelle dans les rapports d’analyse financière consiste à dresser le constat de la situation passée et actuelle pour en analyser les causes et à envisager l’avenir, notamment au moyen de prévisions d’exploitation établies en fonction d’hypothèses d’activité fixées. C’est que l’analyse financière de l’association doit permettre :

–   de connaître ses activités et sa situation financière ;

c’est l’occasion de préciser tant les activités de l’association que les contraintes de toutes natures qui les enserrent ou bien encore de rappeler les réalisations du passé ; la situation financière – c’est-à-dire la richesse ou la pauvreté – peut souvent être présentée et expliquée par le simple rappel de quelques circonstances des activités ;

–   la prise de décisions de gestion en toute connaissance de cause ;

en informant les dirigeants, sociétaires, partenaires ou bailleurs de fonds, l’analyse sert aussi à la réflexion pour que les décisions nécessaires soient prises : le pire est de recourir à une analyse ou une contre-analyse pour différer les décisions qui auraient déjà dû être prises et appliquées.

Pour le technicien, l’analyse se conçoit de façon objective, c’est-à-dire indépendamment de l’utilisation qui pourra en être faite. Mais ce principe général ne saurait trop masquer la réalité. Une analyse est souvent menée dans un but précis qui s’impose au technicien. Citons les audits d’évaluation (variété d’analyse financière) dont les conclusions peuvent être différentes selon que la commande émane de l’acheteur ou du vendeur. Une analyse financière peut aussi être commandée alors que les décisions de gestion ont été prises et l’on en attend alors la confirmation de leur sagesse. Mais cet exercice est parfois délicat car il n’est pas toujours certain que l’on puisse compter sur la souplesse requise de la part de professionnels engageant leur responsabilité et leur notoriété. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la définition du contenu et des objectifs de l’analyse est souvent un indice fort important de son utilisation ou de son utilité même.

La notion de risque d’audit, souvent utilisée en analyse, mérite d’être précisée : il s’agit simplement des caractéristiques d’une entreprise provenant de son environnement, de son activité et du contexte réglementaire dans lequel elle est exercée nécessitant une attention particulière.

Le caractère professionnel de la gestion

Il est généralement fait appel dans les associations, et c’est là une de leurs composantes essentielle, à la bonne volonté. Mais le bon fonctionnement d’une entreprise suppose plus : le professionnalisme est de rigueur et force est de constater que des situations financières difficiles d’associations trouvent leur raison dans la seule bonne volonté. Notons aussi le fait que, dans une association, l’argent n’est pas la source du pouvoir. C’est l’illustration de la règle, en assemblée générale des sociétaires, d’une voix pour un homme. En l’absence d’une direction forte capable d’orienter les discussions pour parvenir à des décisions concrètes, le risque existe d’une insuffisance de décisions en temps utile.

Au delà de la prise de décisions adaptées aux circonstances de l’activité de l’association, encore faut-il que celles qui sont prises soient :

–   claires, détaillées et complètes au moins pour ce qui concerne le projet associatif : si une décision est prise d’exercer telle activité, encore faut-il préciser dans quelles circonstances et limites et quels sont les moyens – finances comprises – mobilisés ;

–   appliquées effectivement et efficacement ce qui suppose une bonne organisation et un bon fonctionnement des services ;

la prise de connaissance de l’organigramme des tâches et fonctions comme des modalités de collaboration des employés et bénévoles est toujours intéressante.

Il peut arriver que la situation financière difficile d’une association trouve, pour une large part, son origine et sa cause dans l’absence de direction réelle ou bien encore dans un mode d’organisation et de fonctionnement insuffisant. La pratique des analyses financières d’associations permet d’opérer une claire distinction entre celles gérées de façon professionnelle et les autres.

Le financement de l’activité

Il arrive fréquemment que les associations se développent, au fil des années, ce qui les amène à consentir des investissements importants, soit pour leur activité, soit pour leur fonctionnement. Or, elles ne disposent pas toujours de financements adaptés – c’est-à-dire stables – et suffisants :

–   les associations n’ont pas vocation à partager leurs bénéfices – ou excédents – ce qui les conduit souvent à ne pas les rechercher : les fonds propres, étant ainsi limités, ne financent pas l’actif immobilisé ;

–   pour pouvoir mobiliser des emprunts, il faut démontrer la rentabilité des investissements – ce qui, sans recherche de bénéfices clairement affichée, est délicat – et offrir un taux d’endettement convenable, c’est-à-dire un niveau de fonds propres estimé suffisant pour le prêteur.

Le financement d’exploitation peut aussi ne pas suffire à couvrir les charges du fonctionnement ou de l’activité. Il en va notamment ainsi :

–   lorsque les produits progressent peu en raison de leur nature même (par exemple les cotisations des sociétaires) alors que les charges augmentent pour cause de développement des activités,

–   lorsque les produits sont insuffisants pour couvrir les charges en raison des tarifs pratiqués ou d’un volume d’activité trop faible,

–   lorsque les produits perçus de l’activité sont susceptibles de variations importantes dans le temps.

L’examen des produits, comparés aux charges de l’association constitue souvent un indicateur précieux pour l’analyse financière.

Les financements d’origine publique

Le recours à des financements publics par les associations est une donnée de leur gestion importante qui, dans le cadre d’une analyse financière, fait l’objet d’un examen attentif. Il convient tout d’abord, s’agissant des financements d’exploitation :

–   de déterminer leur contribution à la couverture des charges ou, en d’autres termes, d’évaluer leur importance relative pour se faire une idée de la dépendance économique de l’association vis-à-vis d’une ou plusieurs collectivités publiques ;

–   d’essayer de mesurer leur récurrence, étant précisé qu’une association d’une taille suffisante est tentée de développer une logique d’entreprise visant au maintien de ses activités consommatrices de ressources, même si ses bailleurs de fonds connaissent des périodes de restrictions budgétaires.

Il s’agit ensuite d’examiner les conditions d’octroi de fonds par les collectivités. Il est très fréquent qu’une collectivité accorde un ou plusieurs financements à une association pour une ou plusieurs activités nettement définies. Si les missions confiées à l’association en contrepartie des fonds versés ne sont pas assumées, le versement de fonds peut être remis en cause même s’ils ont été, au moins en trésorerie, consommés.

Enfin une association ne peut constater le caractère définitif d’un financement public et donc en enregistrer le produit dans ses livres que si les procédures et formalités, internes à la collectivité, ont été respectées et accomplies. À titre d’exemple, il faut rappeler, dans le cas d’une subvention d’exploitation accordée par une commune, que la seule délibération du conseil municipal peut s’avérer inopérante si elle ne comporte pas une inscription budgétaire et si son dénouement en trésorerie tarde. Il faut donc porter son attention sur les comptes de créances sur les collectivités publiques pour des financements restant à percevoir dans le double but :

–   de s’assurer que les conditions sont réunies pour qu’elles soient certaines et non pas à déprécier ;

–   de mesurer, sur la trésorerie de l’association, les conséquences des délais de versement des fonds par les collectivités publiques.

La localisation des risques financiers

Un des objets de l’analyse financière peut consister à identifier qui assume le risque de défaillance de l’association, étant rappelé qu’elles relèvent des procédures collectives. Une telle recherche suppose un examen attentif, outre des points mentionnés plus haut, des garanties :

–   que l’association a reçues ; sont visées ici non seulement les garanties directement données à l’association, mais aussi celles consenties à ses partenaires ou créanciers : il s’agit notamment les garanties d’emprunts des collectivités territoriales ;

–   que l’association a consenties.

En fonction des constatations qui auront été effectuées, il sera alors possible d’envisager la défaillance de l’association et de localiser ce risque :

–   chez ses partenaires, au sens large du terme ;

il peut s’agir des prêteurs de fonds qui n’auraient pas obtenu des garanties suffisantes, mais aussi et surtout, s’agissant de financements d’investissements consentis, des garants tels que les collectivités territoriales ;

pour l’exploitation, en l’absence de garantie d’équilibre pleinement opérante, notamment en raison de leur validité juridique, ce sont les créanciers de l’association qui en supporteront la défaillance : les fournisseurs sont bien entendu particulièrement visés ;

–   en tout ou partie, chez ses dirigeants ;

il faut noter que la responsabilité des dirigeants – de droit ou de fait – d’associations défaillantes ne peut être écartée.

Enfin, et ce point ne saurait être négligé, parmi les victimes d’une éventuelle défaillance de l’association figurent ses usagers, dès lors que son activité correspond véritablement à une mission d’intérêt général.

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