Contactez-nous
01 41 43 00 40

Gestion de fait : confection du compte d’emploi

Billet 2005-07-15

Dès lors qu’une gestion de fait a été déclarée, il est nécessaire de se préoccuper de la conception et de la confection du « compte d’emploi » qui sera soumis au juge. Même si la technicité requise n’est pas grande, il ne faut cependant pas en conclure que l’exercice peut être mené sans trop de soins : c’est que les enjeux (débet et amende) sont importants. Il y a donc tout intérêt à bien comprendre la logique de ce compte d’emploi pour le concevoir et l’établir efficacement.

L’objet premier du compte d’emploi est de présenter les dépenses et les recettes sous gestion de fait avec toutes les justifications nécessaires de telle sorte que le jugement rendu aboutisse à un quitus plutôt qu’un un débet. Et comme l’on se trouve en présence du juge des comptes, il faut bien comprendre et appliquer strictement la logique de la comptabilité publique qui est, dans une telle circonstance, simple : toutes les sommes qui ne sont pas justifiées sont mises à la charge du comptable de fait qui doit les rembourser. Le mécanisme utilisé à cette fin est le suivant :

  • le juge reconstitue, sur la base du compte produit, les recettes « admises » et les dépenses « allouées » et établit ainsi une « ligne de compte » ;
  • la différence entre recettes « admises » et dépenses « allouées » est à rembourser par le comptable de fait.

Le périmètre de la gestion de fait est à délimiter convenablement lorsque l’on aborde la conception même du compte d’emploi : toutes les dépenses et toutes les recettes qui s’y rattachent doivent y être portées et elles seules. Il est donc indispensable de prendre connaissance de la déclaration de gestion de fait et de s’en bien pénétrer. Le juge peut, en effet, rejeter certaines des sommes qui sont inscrites dans le compte d’emploi, pour l’une des raisons suivantes.

  • Il peut en être ainsi lorsque les dépenses sont supérieures aux recettes. Il est procédé à un « écrêtement » des dépenses : l’excédent est rejeté car le principe est qu’un comptable public ne peut dépenser plus qu’il ne dispose de fonds. Mais le juge peut aussi, dans une telle circonstance, « forcer » les recettes, c’est-à-dire ajouter au compte présenté, des recettes qui n’y sont pas portées.
  • Les dépenses qui ne sont pas visées par la gestion de fait n’ont, bien entendu, pas à être mentionnées dans le compte d’emploi : elles seront, sauf erreur ou omission du juge sur laquelle il vaut mieux ne pas compter, exclues de la « ligne de compte ».

La forme du compte d’emploi n’obéit pas aux règles habituelles de la comptabilité, tant publique que privée : c’est que sa logique est tout autre.

  • Le compte d’emploi doit être unique, c’est-à-dire que pour une gestion de fait, un seul et unique compte doit être produit. Ce qui ne signifie pas, pour autant, qu’il n’est pas procédé à des distinctions.

Il va de soi que les dépenses et les recettes peuvent être décomposées par catégories, par exemple selon leur nature : téléphone, locations…. Et l’on utilisera alors une nomenclature de « sous-comptes » qui sera naturellement inspirée du plan comptable.

Dans le cas de pluralité de comptables de fait, il peut y avoir intérêt à décomposer le compte d’emploi en autant de « sous-comptes » qu’il y a de comptables. Il n’en reste pas moins que le regroupement de ces « sous-comptes » constituera un document unique que l’on qualifie de compte d’emploi.

  • La gestion de fait peut comporter une durée qui couvre plusieurs années, c’est-à-dire plusieurs exercices (au sens tant comptable que budgétaire). Pour autant, il n’est pas procédé à une décomposition du compte d’emploi par exercice : il doit couvrir la totalité de la période de la gestion de fait et elle seule et reprendre la totalité des opérations qui s’y rapportent, quel qu’en soit l’exercice de rattachement.
  • Les sommes portées dans le compte d’emploi sont exclusivement les recettes et les dépenses, c’est-à-dire les opérations qui ont connu, au cours de la période de gestion de fait, un dénouement en trésorerie. Autrement dit, il n’est pas fait application du principe général de la comptabilité : « créances acquises et dettes certaines ». Et toutes les charges calculées que la comptabilité privée connaît (et que la comptabilité publique nomme « opérations d’ordre »), telles que les amortissements et les provisions sont également à exclure pour la confection du compte d’emploi. La conséquence de cette règle qui limite le contenu du compte d’emploi aux flux de trésorerie est que la trésorerie disponible à la fin de la période de gestion de fait n’a pas à y figurer. Autrement dit, l’on peut avoir un compte ouvert à la banque qui ne sera pas repris dans le compte d’emploi puisque celui-ci ne se compare pas à un bilan et que le solde en banque servira normalement, si tout se passe bien, à combler la différence entre recettes « admises » et dépenses « allouées ».

Dans le respect de ces contraintes, la forme du compte d’emploi est librement définie par le ou les comptables de fait. Ils trouveront avantage à le concevoir en fonction, d’une part, de la consistance de la gestion de fait et des opérations réalisées qu’elle comporte et, d’autre part, du cadre comptable public qui est plus familier au juge des comptes : l’on pourra ainsi envisager, si besoin est, de distinguer entre « investissement » et « fonctionnement » pour le classement des dépenses et des recettes.

Le compte d’emploi doit enfin être signé par le comptable de fait. En cas de pluralité de comptables, chacun peut le signer, pour la partie le concernant.

Les justifications des opérations reprises dans le compte d’emploi sont à joindre au compte d’emploi et l’on peut distinguer, dans cette exigence, deux aspects.

  • La première des justifications consiste dans la reconnaissance, par l’autorité budgétaire concernée (la personne publique qui aurait dû assurer la gestion), de l’utilité publique des dépenses sous gestion de fait. En l’absence de cette reconnaissance, les dépenses ne peuvent être « allouées » ni les recettes « admises ». C’est que le but même de la procédure de régularisation d’une gestion de fait consiste à réintégrer dans les écritures de la collectivité publique concernée les opérations qu’elle aurait dû y porter, selon les formes de la « gestion de droit ». Une décision de l’organe délibérant de la collectivité est donc à produire qui se prononce nettement et de façon fondée sur la reconnaissance de l’utilité des dépenses exposées sous gestion de fait.
  • Mais il faut également fournir toutes les pièces justificatives des dépenses et des recettes exposées : telles que les commandes, les bons de livraison, les factures, les paiements et les encaissements. L’examen, par le juge, de ces pièces lui permettra d’apprécier la réalité des opérations sous gestion de fait ainsi que leur régularité (au sens de « conforme aux règles »). Si les pièces sont estimées insuffisantes ou porter sur des opérations rejetées, les dépenses ne seront pas allouées et les recettes ne seront pas admises. L’on est là dans un exercice très habituel aux comptables (qu’ils soient publics ou privés) et qui consiste en la collecte et l’organisation (le classement des pièces produites en les référençant efficacement avec les sous-comptes ouverts n’est pas à négliger) des pièces comptables qui appuient les écritures enregistrées dans les comptes (en l’occurrence, le compte d’emploi).

En résumé
Le compte d’emploi à produire dans une procédure de gestion de fait est à bien concevoir et à établir dans cette optique : il doit être unique, ne reprendre que les mouvements de trésorerie de la période concernée, être signé par le comptable de fait et assorti de toutes les justifications (reconnaissance de l’utilité des dépenses par la collectivité et pièces comptables).

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.