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Eloge du pinard

L’emploi de l’euphémisme dans la publicité nationale crée une mauvaise image de la gueule de bois. On l’appelle « abus ». Il y a une étrange méchanceté dans ce terme. Il ne nous viendrait pas à l’idée d’abuser. C’est un mot déplaisant et qui implique qu’on n’aurait pas dû le faire. Notre petite fête n’impliquait rien de tel. Nous ne bûmes pas trop. Nous bûmes juste assez et nous nous refusons à profaner l’ivresse légère d’une petite réjouissance par l’emploi du mot « abus ».

En fait, à quelques exceptions tribales près, notre race possède un glorieux passé alcoolique et aucun symptôme évident de dégénérescence ne peut lui être attribué. La théorie selon laquelle l’alcool est un poison a été trop facilement et trop aveuglément acceptée. Il l’est pour certains individus, comme le sucre l’est pour d’autres et la viande pour d’autres encore. Toutefois, pour la race en général, l’alcool a été un antalgique, un réchauffeur de l’âme, un tonique des muscles et de l’esprit. Il a donné du courage aux lâches et a donné du charme à des gens très laids. On raconte l’histoire de ce clochard suédois, assis dans un fossé, la nuit de la Saint-Jean. Il était sale, ivre, en haillons, et il se disait d’une voix douce et émerveillée : « Je suis riche, je suis heureux et je suis peut-être un peu beau. »

John Steinbeck – Dans la mer de Cortez – 27 mars 1940

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