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Délégation de maîtrise d’ouvrage : ouverture à la concurrence

Billet 2004-10-09

Introduction

Le jour de la naissance des « partenariats public privé » est aussi celui de l’ouverture à la concurrence de la maîtrise publique d’ouvrage déléguée ; et la voie est la même. L’ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 a réformé la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.

L’on se souvient que cette délégation de maîtrise publique d’ouvrage était, pour une large part, réservée aux sociétés d’économie mixte locales d’aménagement qui y ont même vu, dans les années 90, une compensation à la réduction, née de la crise immobilière, de leurs activités exercées dans le cadre des « concessions d’aménagement ».

L’idée générale de la loi de 1985 était que seules des entreprises rattachées au secteur public pouvaient se voir confier de telles missions de maîtrise d’ouvrage déléguée. C’est à ce titre que les associations avaient été écartées de ce marché[1].

Et comme le principe général avait aussi été fixé que la délégation de la maîtrise publique d’ouvrage ne pouvait se concevoir que dans le cadre d’un mandat, il en avait naturellement été déduit que la conclusion d’un tel contrat échappait au code des marchés publics, ce qui avait été censuré par le Conseil d’Etat et n’a pas été repris dans le dernier code[2].

L’on se trouve désormais dans une situation plus conforme à l’esprit des règles européennes d’ouverture au marché de ce qui relève, en fait, de prestations de services aux personnes morales de droit public. Et c’est l’occasion de rappeler les grands mécanismes de la maîtrise publique d’ouvrage et de son mode de délégation.

La maîtrise publique d’ouvrage

Aux termes de la loi, et ce point n’est pas modifié par la réforme récente, sont considérés comme maîtres publics d’ouvrage : l’Etat et ses établissements publics ; les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d’aménagement de ville nouvelle créés en application de l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes visés à l’article L. 166-1 du code des communes ; les organismes privés mentionnés à l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations et les organismes privés d’habitations à loyer modéré, mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage locatif, aidés par l’Etat et réalisés par ces organismes et sociétés.

A noter que la réforme a conservé, s’agissant des logements sociaux, l’exclusion des associations et des opérateurs autres que « HLM » et « SEM » de son champ d’application qui ne sont ainsi toujours pas considérés comme des maîtres publics d’ouvrage.

Mais, pour que les dispositions de la loi soient applicables, encore faut-il exercer réellement la maîtrise d’ouvrage. Si la loi définit le maître d’ouvrage comme la personne pour laquelle l’ouvrage est construit, il lui est cependant possible de ne pas exercer la maîtrise d’ouvrage :

  • tel est notamment le cas lorsque l’ouvrage est construit dans le cadre d’une délégation de service public[3] ; et la situation sera la même avec les contrats de partenariat[4] ;
  • il a été admis que le recours à un bail emphytéotique[5] ou à une vente en l’état futur d’achèvement[6] pouvait amener la personne publique à se dessaisir de la maîtrise de l’ouvrage ;
  • en cas d’ouvrage destiné à plusieurs personnes, il est possible (c’est une précision apportée par l’ordonnance) qu’elles s’accordent pour désigner celle qui exercera cette fonction.

La délégation de la maîtrise publique d’ouvrage

Certaines des attributions du maître de l’ouvrage ne peuvent faire l’objet d’une quelconque délégation. Il en est ainsi pour ce qui concerne l’élaboration du programme, la détermination de l’enveloppe financière prévisionnelle, le financement de l’opération et le choix du processus de réalisation. D’autres décisions restent également de la seule compétence du maître de l’ouvrage : le choix du maître d’œuvre et de l’entrepreneur et l’approbation des avant-projets et de la réception de l’ouvrage.

Les attributions du maître de l’ouvrage qui peuvent faire l’objet d’une délégation, en tout ou partie, sont les suivantes : définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté ; préparation du choix du maître d’oeuvre, signature du contrat de maîtrise d’oeuvre, après approbation du choix du maître d’oeuvre par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d’oeuvre ; approbation des avant-projets et accord sur le projet ; préparation du choix de l’entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de travaux ; versement de la rémunération de la mission de maîtrise d’oeuvre et des travaux ; réception de l’ouvrage.

Désormais, toute personne peut exercer une mission de maîtrise d’ouvrage déléguée pour le compte d’une personne publique. La notion d’habilitation de certains opérateurs pour ce type de mission disparaît. Ce qui ne veut pas dire que toutes les limites sont supprimées. Une demeure qui se situe sur un terrain différent. Le maître d’ouvrage délégué doit être strictement indépendant des entreprises, du maître d’œuvre et du contrôleur technique qui auront à intervenir sur le chantier. C’est que le métier de maître d’ouvrage (y compris par délégation) consiste surtout à manifester des exigences à l’égard des fournisseurs et à obtenir d’eux gain de cause. Même s’il s’agit d’une formulation plaisante, elle correspond cependant à quelque réalité. La pratique de la maîtrise d’ouvrage déléguée montre que les tâches sont d’assurer la gestion du budget de l’ouvrage, de préparer et de vérifier l’exécution des marchés (qui restent des engagements conclus au nom et pour le compte de la personne publique, dans le respect du dispositions du code des marchés publics), de surveiller l’avancement du chantier et d’assurer le paiement des situations de travaux et des honoraires.

 La délégation de la maîtrise publique d’un ouvrage intervient obligatoirement dans le cadre d’un mandat qui doit faire l’objet d’un contrat entre les parties.

  • Il ne fait plus maintenant de doute qu’un tel contrat ne peut être conclu que dans le respect des règles de la commande publique, après publicité et mise en concurrence. Il faut simplement souligner que, pour l’appréciation des seuils et donc le choix de la procédure de passation à retenir, il convient de se référer à la rémunération du mandataire et non pas au coût de l’ouvrage dont la maîtrise est déléguée. Les marchés qui seront conclus pour la réalisation de l’ouvrage donneront également lieu à de telles mesures de publicité et de mise en concurrence, selon les règles applicables au mandant.
  • Si la loi (et ce point n’est pas nouveau) exige un contrat écrit contenant certaines clauses, à peine de nullité, il faut probablement y voir le vieux principe du code civil selon lequel le mandat ne se présume point. Et ces clauses obligatoires que le contrat doit comporter sont celles qui portent sur : l’ouvrage qui fait l’objet du contrat, les attributions confiées au mandataire, les conditions dans lesquelles le maître de l’ouvrage constate l’achèvement de la mission du mandataire, les modalités de la rémunération de ce dernier, les pénalités qui lui sont applicables en cas de méconnaissance de ses obligations et les conditions dans lesquelles le contrat peut être résiliée ; le mode de financement de l’ouvrage ainsi que les conditions dans lesquelles le maître de l’ouvrage fera l’avance de fonds nécessaires à l’accomplissement du contrat ou remboursera les dépenses exposées pour son compte et préalablement définies ; les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par le maître de l’ouvrage aux différentes phases de l’opération ; les conditions dans lesquelles l’approbation des avant-projets et la réception de l’ouvrage sont subordonnées à l’accord préalable du maître de l’ouvrage ; les conditions dans lesquelles le mandataire peut agir en justice pour le compte du maître de l’ouvrage.

Conclusion

Le métier de maîtrise publique d’ouvrage déléguée est maintenant soumis, pour son exercice, à la concurrence et il est probable que l’on ne va pas tarder à voir surgir des offres nouvelles de prestations de services de cette nature.

Parmi les professionnels qui vont, sans doute, être intéressés à cette nouvelle possibilité, figurent probablement les associations qui interviennent déjà dans le secteur public et qui voyaient, dans la réglementation existante, un obstacle à l’accomplissement de leur œuvre. Mais il leur faudra aussi acquérir les réflexes et les routines du métier de façon à pouvoir présenter des offres concurrentielles aux collectivités publiques.

Et, pour les sociétés d’économie mixte locales, il va leur falloir utiliser l’avance dont elles disposent sur ce marché pour conserver cette activité ; et elles y parviendront en améliorant encore leur productivité et la qualité de leurs prestations dans ce domaine.

[1] – CE du 11 mars 1996, n° 138486, centre hospitalier de Moutiers ; Rec. CE, p. 69. Rép. min. n° 8645 ; JO Sénat Q 17 déc. 1987, p. 1978.

[2] – Le code des marchés publics de mars 2001 écartait expressément de son champ d’application les mandats. Le Conseil d’Etat avait, en mars 2003, censuré cette disposition et le dernier code des marchés publics (celui de janvier 2004) n’a pu qu’en tenir compte : les mandats sont passés après publicité et mise en concurrence.

[3] – A la condition que le délégataire soit habilité à une telle mission, ce qui n’est pas le cas d’un fermier (TA Paris 7 mai 1996, req. n° 9517085/6, LPA 10 octobre 1997, p. 12) ou d’un régisseur intéressé (CAA Paris, 18 avril 1997, Cie générale des eaux, Dr adm. 1997, n° 236 ; AJDA 1997, p. 492).

[4] – Dispositions des articles 1 (pour l’Etat) et 14 (pour les collectivités territoriales) de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 qui institue ces contrats.

[5] – CE 25 février 1994, SOFAP Marignan, RFDA 1994, p. 510 dont on peut citer l’extrait suivant : « Considérant d’autre part que, dans l’opération ainsi entreprise, la ville de Lille n’assurera pas la direction technique des actions de construction, ne deviendra propriétaire des ouvrages qu’au terme du bail, et ne jouera ainsi ni pendant la réalisation desdits ouvrages ni avant le terme fixé, le rôle de maître d’ouvrage. ».

[6] – CAA Bordeaux, 19 mars 2002, n° 97BX01384 : « que si ce contrat tendait à la réalisation d’un parc public de stationnement, il n’avait pas pour objet la construction d’un immeuble que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aurait conçu en fonction de ses besoins propres et selon des caractéristiques qu’elle aurait elle-même définies ; que la vente ne concernait qu’une partie d’un ensemble immobilier sur l’édification duquel la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n’exerçait aucun contrôle ni surveillance particulière, la S.A.R.L. Porte de Bordeaux étant maître de l’ouvrage ». En sens contraire, CE 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées, Lebon, p. 41.

 

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