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Comprendre les comptes des SEM

La note 21- janvier 2000

Il est souvent question d’une nécessaire transparence des finances locales, qu’il s’agisse de celles des collectivités territoriales ou des entreprises qui y sont liées, notamment les SEML. Ce phénomène traduit, très certainement, un légitime souci de comprendre les comptes tels qu’ils sont établis et diffusés en application des règles en vigueur, lesquelles règles sont souvent fort obscures pour des personnes n’étant pas spécialistes de ces questions.

Or il en est de la comptabilité comme de toute matière technique : sa complexité est plus apparente que réelle et provient, pour une large part, de la méconnaissance de sa logique et de son objet. La comptabilité a pour objet d’enregistrer les opérations économiques effectuées par une personne – physique ou morale – et d’en rendre compte de sorte qu’il soit possible d’en mesurer la richesse. Aussi, pour comprendre les comptes d’une activité ou d’une personne, est-il indispensable de conserver présent à l’esprit la démarche à observer qui comporte les étapes suivantes :

–    la détermination des opérations économiques effectuées, étant précisé, qu’à ce stade, il convient de faire plus application du bon sens que d’autres principes dans la perspective d’en apprécier la rentabilité ;

–    la définition des contraintes juridiques de toutes natures pesant sur les opérations économiques ainsi définies ;

–    la prise de connaissance des documents financiers retraçant l’activité et des règles de leur élaboration dans le seul but que leur lecture en permette l’utilisation, c’est-à-dire la compréhension de la situation financière de l’activité ou de la personne les produisant.

La présente note a pour objet de présenter les grandes lignes de cette démarche de compréhension des comptes au cas des SEML.

L’activité des SEML

Les SEML disposent, depuis la loi du 7 juillet 1983, de la possibilité de mener plusieurs activités. La loi prévoit, dans le cas d’objet social multiple, la nécessité d’une complémentarité des actions menées. Mais l’interprétation de cette restriction et la pratique des SEML conduisent à constater le regroupement, au sein d’une même société, d’activités très variées, dont la complémentarité est parfois difficile à démontrer. À titre d’exemple, l’on peut ainsi citer le cas de SEML gérant du logement social, du stationnement et des cinémas. Bien entendu, la compréhension immédiate des comptes qui découlent de telles situations n’est pas facilitée.

L’aménagement est défini par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme comme l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, à favoriser le développement des loisirs et du tourisme, à réaliser des équipements collectifs, à lutter contre l’insalubrité, à sauvegarder ou mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti. Cette définition (qui résulte de la loi sur l’aménagement de 1985) est suffisamment large pour englober de très nombreuses activités.

Mais, dans la pratique, lorsqu’il est question de SEML d’aménagement, cette dernière notion est plus souvent prise en son sens opérationnel qui est la production de terrains à bâtir.

L’activité de construction des SEML est souvent associée à celle de gestion et porte sur le logement social (depuis 1977, la banalisation des financements aidés dans ce domaine y a largement contribué). Mais les SEML de construction peuvent procéder à l’édification ou à la rénovation :

–    d’immeubles de toute nature : bâtiments ou ouvrages,

–    à usage de logement, de bureau, de commerce, d’activité économique,

–    destinés à la vente ou à la location.

La notion de service public englobe les activités assumées par une collectivité publique en vue de donner satisfaction à un besoin d’intérêt général. Un service public a un caractère industriel et commercial si l’activité est :

–    assimilable à celle d’une entreprise privée,

–    financée par les usagers,

–    organisée, dans son fonctionnement, de façon privée.

Les exemples de gestion de services publics à caractère industriel et commercial par les SEML sont nombreux en matières de transport, de stationnement…

La distinction entre fonctionnement et opérations

Pour l’essentiel, les SEML sont chargées, par leurs collectivités de rattachement, de mener des opérations (d’aménagement, de construction, de gestion de services publics ou d’intérêt général). À cet effet, elles mettent en œuvre les moyens nécessaires pour y parvenir dont le coût est à couvrir pour assurer l’équilibre financier du fonctionnement. Les charges exposées par une SEML pour mener les opérations qui lui sont confiées sont ainsi de deux natures :

–    il peut s’agir de frais de fonctionnement que l’on peut constater chez tout prestataire de services, à savoir des charges de personnel principalement et des dépenses annexes (bureau, équipement informatique…),

notons que ces frais administratifs peuvent être pris directement en charge par la SEML ou bien encore par un prestataire de services qui s’en voit déléguer la gestion administrative ;

–    il peut aussi s’agir de frais de gestion spécifiques à l’activité exercée ; par exemple gardiennage pour le cas des SEML immobilières.

La couverture de ces frais de d’une SEML peut être assurée par des produits correspondant :

–    soit à la marge des opérations confiées à la société ;

dans ce cas, les opérations menées par la SEML lui appartiennent en totalité et les produits qu’elle en retirent sont destinés à payer tant les charges propres de ces opérations que les charges de fonctionnement ;

–    soit à une charge des opérations ;

dans cette hypothèse, les opérations confiées à la société font l’objet d’un prélèvement prédéterminé (par exemple un pourcentage des dépenses d’une opération d’aménagement), destiné à couvrir les charges de fonctionnement.

Le risque de fonctionnement d’une SEML est ainsi tout à fait comparable à celui d’un prestataire de services : ses coûts peuvent être mesurés sans grande difficulté et leur évolution dans le temps envisagée sans trop d’incertitude. Il s’agit alors de s’assurer que le volume d’activité de la SEML (en général le volume des opérations qui lui sont confiées) est tel que les produits qui en seront tirés seront suffisants pour couvrir les charges de fonctionnement.

Les opérations propres et pour compte

Une SEML qui mène une opération peut le faire pour son propre compte ou pour le compte de tiers. Dans le premier cas elle en assume le risque financier et l’on parle alors d’opération propre. Dans le second cas, elle n’en assume pas le risque et il est alors question d’opération pour compte. Ces notions sont à combiner avec les modes juridiques d’intervention de la SEML.

Les SEML immobilières peuvent intervenir dans le cadre de mandat pour la construction ou la gestion d’immeubles :

–    pour la construction, il s’agira notamment de mandat de la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique : la SEML construit un ouvrage ou un immeuble pour le compte d’une personne publique ;

–    pour la gestion, il s’agira d’un mandat : la SEML administre alors des biens immobiliers pour le compte de ses propriétaires.

Dans les deux cas, le résultat de l’opération appartient au mandant et la SEML n’est alors rémunérée que pour la prestation de services fournie. En d’autres termes, son risque est, en principe, celui de son fonctionnement propre.

Mais les SEML immobilières peuvent aussi intervenir pour leur propre compte dans tous les domaines de l’immobilier et, dans ce cas, en supportent le risque économique. Tel est le cas de la construction et de la gestion de logements aidés. Notons que les conventions conclues entre les SEML et les collectivités territoriales pour ce qui concerne les logements aidés peuvent avoir pour effet de transférer à la charge de ces dernières le risque économique de la gestion immobilière.

Pour une opération d’aménagement, une SEML peut intervenir dans l’un des cadres juridiques suivants :

–    le mandat : l’opération d’aménagement est menée aux risques de la collectivité ;

–    la convention : l’opération est alors menée aux seuls risques de la SEML qui est alors dans la même position qu’un aménageur privé ;

–    la concession : dans cette hypothèse, même si la pratique met souvent à la charge de la collectivité tout le risque de l’opération, des cas existent où le résultat de l’opération appartient à la SEML ou est partagé entre concédant et concessionnaire.

Ne peuvent donc être considérées comme opérations propres que celles menées dans le cadre de convention d’aménagement ou bien encore de concession, si le risque pèse, en tout ou partie, sur le concessionnaire – la SEML – aux termes du contrat conclu.

La gestion d’un service public peut être assurée par une SEML selon l’une des formes juridiques suivantes :

–    la gérance ou la régie : la SEML agit alors pour le compte de la collectivité publique et aux risques de celle-ci en lui fournissant une prestation de services ;

mais un tel mode d’intervention peut faire participer le gérant au « résultat » du service (cas de la régie intéressée) et il peut alors être question d’opération propre pour la SEML ;

–    de la concession de service public ou de l’affermage : la SEML assume alors nécessairement le risque de l’exploitation et l’on est bien en présence d’une opération propre ;

notons cependant que le versement de subventions par la collectivité (autre que d’équilibre) au profit du concessionnaire ou du fermier, dans les cas prévus par la loi, peut avoir pour effet de transférer, de fait, le risque économique à celle-ci.

Les comptes commerciaux des SEML

Les documents représentatifs de l’information financière des SEML les plus importants sont au nombre de trois :

–    il s’agit tout d’abord des comptes annuels, lesquels regroupent :

.    le bilan, photographie de la situation financière à un moment donné,

.    le compte de résultat qui retrace les opération d’une période donnée,

.    l’annexe qui a pour objet de commenter et compléter les informations fournies dans le bilan et le compte de résultat ;

–    il s’agit aussi du rapport de gestion du conseil d’administration qui doit retracer l’activité sociale au cours de l’exercice écoulé et les résultats de cette activité ;

–    le rapport général du commissaire aux comptes qui :

.    certifie que les comptes annuels (c’est-à-dire bilan, compte de résultat et annexe) sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle de la situation financière, du patrimoine et du résultat,

.    rend compte de la sincérité des informations fournies par le conseil d’administration et de leur concordance avec les comptes.

Il appartient au conseil d’administration d’arrêter les comptes annuels de la société ainsi que de produire son rapport annuel de gestion. Ces documents sont soumis au contrôle du commissaire aux comptes qui établit son rapport général. L’assemblée générale des actionnaires est appelée à statuer sur les comptes annuels de la société, connaissance prise des rapports du conseil d’administration (organe de gestion) et du commissaire aux comptes (organe de contrôle) : elle peut approuver, rejeter ou modifier les comptes et elle affecte le résultat de l’exercice dont les comptes lui sont soumis.

Outre ces formalités, qui pèsent sur toutes les sociétés commerciales, les représentants des collectivités territoriales administrateurs de SEML doivent annuellement rendre compte à leur assemblée délibérante de la mission qui leur a été confiée : à cette occasion, les comptes des SEML sont soumis à l’organe délibérant de la collectivité de rattachement.

Des comptes sociaux insuffisants

Les comptes sociaux d’une SEML enregistrent la totalité de ses activités en application de la règle de l’universalité du patrimoine : la SEML étant une personne morale, elle dispose d’un patrimoine et l’objet des comptes sociaux est de le présenter. Aussi les comptes sociaux d’une SEML regroupent-ils l’ensemble des données relatives :

–    aux opérations menées, qu’elles soient propres ou pour compte,

–    à son fonctionnement.

Dans la mesure où l’activité de la société est relativement homogène, il est possible, au moyen de ses comptes annuels, de se faire une idée de sa situation financière : tel sera le cas d’une SEML de logements aidés ou bien encore gestionnaire de service public. Mais si l’objet de la SEML est multiple ou si elle est titulaire, pour une même activité d’opérations propres et d’opérations pour compte, les comptes sociaux pourront s’avérer insuffisants pour déceler les risques que cette société comporte.

Les indispensables comptes d’opérations

En matière immobilière et d’aménagement, cette obligation découle de l’article 5-II de la loi du 7 juillet 1983 relative aux SEML et porte sur la production à la collectivité territoriale concernée d’un compte rendu financier annuel comportant, en annexe :

–    un bilan prévisionnel actualisé des activités,

–    un plan de trésorerie actualisé,

–    un tableau des acquisitions et cessions immobilières de l’exercice.

Notons que ces documents (dénommés CRACL : compte rendu à la collectivité locale) sont, au moins dans le domaine de l’aménagement, les seuls à même de fournir une indication sur les opérations menées et leur évolution, les techniques d’enregistrement dans les comptes sociaux de ces activités étant largement insuffisantes (sous réserve toutefois de la modification qui entrera en vigueur en l’an 2000 et pour laquelle il convient de se reporter à la note d’Inventaires de mai 1999

En matière de délégation de service public, l’information financière à produire à la collectivité organisatrice du service est annuelle et consiste en un rapport devant contenir d’une part les comptes annuels du service et, d’autre part, un compte rendu technique de l’exécution du service (lois « ATR » du 6 février 1992 et du 8 février 1995). Dans le cas d’une SEML gérant un seul service public, les comptes du service correspondent à ses comptes sociaux.

Enfin, lorsqu’une SEML exerce des prérogatives de puissance publique pour le compte d’une collectivité, elle doit lui en produire, chaque année, rapport (loi « anticorruption » du 29 janvier 1993). Notons que cette disposition concerne particulièrement les SEML concessionnaires d’aménagement qui ont reçu délégation de l’exercice du droit de préemption urbain ou poursuivent les expropriations.

Les limites des comptes d’opérations

Si le législateur est intervenu à plusieurs occasions pour obliger les SEML à produire une information financière précise sur les opérations dont elles sont en charge, le dispositif demeure cependant incomplet.

Tout d’abord, il faut bien observer que si ces obligations sont respectées, elles le sont « a minima » de sorte qu’une SEML peut très bien ne produire de comptes que pour certaines de ses opérations, à l’exclusion d’autres : tel est le cas notamment pour ce qui concerne la gestion d’opérations de logements aidés, au sujet desquelles il convient d’ailleurs de s’interroger sur la portée des dispositions de l’article 5-II de la loi de juillet 1983. La question peut en effet se poser de savoir s’il convient ou non de suivre et de présenter une comptabilité par opération, en l’absence de convention avec la collectivité territoriale de rattachement ou d’implantation des immeubles.

Ensuite, il faut observer que les comptes d’opérations, dont la production est obligatoire aux termes de la loi ou, à plus forte raison, par application des contrats conclus sont destinés au contractant de la SEML et qu’il peuvent être établis selon une procédure différente de celle applicable pour les comptes sociaux :

–    l’accès à ces comptes d’opérations est plus difficile que pour les comptes sociaux, déposés au greffe du tribunal de commerce et pouvant être communiqués à tous ;

–    ils ne sont pas arrêtés par l’organe de gestion de la SEML qu’est le conseil d’administration ni contrôlés par l’organe social prévu à cet effet qu’est le commissaire aux comptes et ne sont pas soumis à l’approbation des actionnaires ;

–    leur articulation avec les comptes sociaux peut soulever de nombreuses difficultés.

La solution à ces difficultés pourrait être l’incorporation de ces comptes d’opérations à l’annexe aux comptes annuels.

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