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Actions et opérations d’aménagement

La note 08 – juin 1997

« ACTIONS » OU « OPÉRATIONS » D’AMÉNAGEMENT ?

La loi n. 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville modifie le code de l’urbanisme pour ce qui concerne tant la définition de l’aménagement que le contenu des contrats d’aménagement qui peuvent être conclus entre les collectivités publiques et les acteurs ou opérateurs d’aménagement. En substance, cette loi inclut dans la définition de l’aménagement la restructuration urbaine et permet de déléguer aux opérateurs des actions d’insertion professionnelle et sociale.

Si la substance de ces deux dispositions est simple, elle soulève une nouvelle fois la question du mode d’intervention des opérateurs et acteurs de l’aménagement comme celle de la définition des opérations et actions d’aménagement.

Le principe de la liberté contractuelle

Le principe de la liberté contractuelle entre les collectivités publiques compétentes et les opérateurs d’aménagement a été posé par l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme dans des termes, à première lecture, clairs : « L’État, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation« . Et le dernier alinéa de cet article prend même soin de préciser que ces contrats n’entrent pas dans le champ d’application des procédures à suivre pour les délégations de services publics, telles qu’elles ont été instituées par la loi « Sapin » : « Les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi n. 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux concessions ou conventions établies en application du présent article« .

Le tribunal administratif de Grenoble a eu l’occasion de rappeler qu’une convention de Z.A.C. ne saurait s’analyser en marché[1] : dès lors, sa conclusion n’a pas à être soumise au code des marchés publics.

Si les contrats d’aménagement ne relèvent ni du code des marchés publics ni des procédures de la loi « Sapin », l’on peut en déduire que leur conclusion relève de la pleine et entière liberté contractuelle des parties. Mais cette interprétation, pour séduisante qu’elle soit et même si elle traduit quelques pratiques observées ici ou là, mérite cependant des précisions.

La notion d’opérations d’aménagement

Il faut souligner que le premier alinéa de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme ne vise que les opérations d’aménagement prévues par son livre III. À s’en tenir à ces seuls mots, les opérations d’aménagement visées seraient : les zones d’aménagement concerté, les restaurations immobilières, les secteurs sauvegardés et les lotissements. Mais il serait également possible d’y ajouter les opérations d’aménagement mentionnées à l’article L. 300-2, I, c) dont la liste est fournie par décret repris à l’article R. 300-1. Cet article L. 300-2, I, c) soumet à concertation, les opérations dont l’importance ou la nature modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique de la commune : et l’article R. 300-1 précise ce qu’il faut entendre par de telles opérations puisqu’il en dresse une liste qu’il faut bien considérer comme exhaustive. Il s’agit ainsi des opérations qui portent sur la voirie, les équipements portuaires, les gares, les voies d’eau dont les travaux excédent 12 M.F. ou bien encore de la construction de plus de 5.000 m2 de SHON dans les communes non dotées d’un POS… Ce raisonnement conduit à définir la notion d’opération d’aménagement par référence à la procédure de concertation.

Mais la circulaire du 31 juillet 1991[2] qui a commenté la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991 a une compréhension différente dans sa portée de la notion d’opération d’aménagement puisqu’elle ne fait pas référence aux opérations visées par l’article R. 300-1. En revanche, elle vise les permis de construire groupés qui sont prévus par l’article R. 421-7-1 du code de l’urbanisme dont le moins que l’on puisse dire est que les dispositions les concernant ne sont nullement placées dans le livre III de la partie législative de ce code. Cette circulaire considère également comme opérations d’aménagement les regroupements et remembrements de parcelles par des AFU, par référence aux dispositions des articles L. 322-2 du même code. Par opposition aux opérations d’aménagement, cette circulaire définit les actions d’aménagement comme portant sur le développement social des quartiers, l’accompagnement de la politique du logement et cite, en exemple, les opérations groupées d’amélioration de l’habitat. Il faut noter que ce commentaire de la circulaire traite de l’article 4 de la loi d’orientation pour la ville qui prévoit une concertation préalable, délibérée par le conseil municipal, pour toutes opérations ou actions d’aménagement qui modifient les conditions de vie des habitants. Ici, la référence à la concertation ne constitue nullement un critère de distinction des opérations et actions d’aménagement.

Et la question de la distinction des actions et opérations d’aménagement n’est nullement simplifiée par la lecture de la définition que donne l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme de l’aménagement. Depuis la loi de 1985[3], l’on sait que les opérations d’aménagement ne se définissent plus par les procédures d’urbanisme mises en œuvre mais par leur objet. Cette affirmation est avancée par le premier alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme dans les termes suivants : « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objet de mettre en œuvre une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l’insalubrité, de permettre la restructuration urbaine, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.« . La doctrine et les praticiens de l’aménagement ont développé et mis en œuvre l’idée selon laquelle il était possible de concevoir une opération d’aménagement en dehors ou en l’absence des procédures prévues par le code de l’urbanisme, voire par d’autres textes (comme pour les RHI, par exemple). La rédaction même des textes de loi va dans ce sens : c’est ainsi, comme cela a été souligné plus haut, qu’il faut bien admettre que la construction de plus de 5.000 m2 de SHON dans une commune qui n’est pas dotée d’un POS constitue une opération d’aménagement (cf. les articles L. 300-2, c) et R. 300-1 du code de l’urbanisme).

Les dispositions de la loi sur la relance du pacte pour la ville vont également en ce sens : après avoir inclus dans la définition du premier alinéa de l’article L. 300-1 les actions ou opérations qui ont pour objet la restructuration urbaine, il est inséré, à l’article L. 300-4, un alinéa parlant d’opération de restructuration urbaine[4]. Il serait ainsi possible de déduire que la restructuration urbaine constitue une opération d’aménagement : il peut aussi être avancé que la restructuration urbaine peut donner lieu tant à des actions qu’à des opérations d’aménagement. Comme la définition de la restructuration urbaine n’est pas fournie, ce débat reste de peu de portée pour ce qui concerne la définition des actions ou opérations d’aménagement. Tout au plus peut-on être conforté par cette rédaction dans l’analyse qui consiste à envisager des opérations d’aménagement hors procédures prévues au code de l’urbanisme.

En l’absence de définition précise de la notion d’opération d’aménagement donnée par les textes en vigueur, l’on peut essayer de la cerner à travers les pratiques observées. Et l’on proposera alors la définition suivante d’une opération d’aménagement : « un ensemble organisé d’études, d’acquisitions foncières et de réalisation de travaux et d’équipements en vue de la construction ou de la rénovation de bâtiments de toutes natures« . Et les idées regroupées dans cette définition sommaire peuvent faire l’objet de quelques développements. L’organisation des différents éléments d’une opération d’aménagement relève des collectivités publiques qui ont compétence en la matière ; l’on retrouve ici la définition de l’aménagement telle que donnée au second alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme : « L’aménagement, au sens du présent code, désigne l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d’une part, à conduire ou à autoriser des actions ou opérations définies à l’alinéa précédent et, d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou opérations.« . Il importe peu de connaître le texte ou le code qui réglemente précisément l’organisation de l’opération d’aménagement dès lors qu’un fondement juridique existe assurant la sécurité requise : ajoutons au surplus que l’opération d’aménagement étant définie par son objet, elle s’inscrit bien dans les dispositions du livre III du code de l’urbanisme. Mais, pour qu’il puisse y avoir opération d’aménagement, encore faut-il que différentes composantes entrent en jeu[5] : par exemple, la maîtrise foncière puis la réalisation de travaux. Des acquisitions foncières seules ou de simples études ne sauraient constituer une opération d’aménagement. Bien entendu, tous ces éléments peuvent avoir une importance relative différente selon l’opération. Et l’on est alors tenté de définir l’opération d’aménagement comme un ensemble – coordonné – d’actions d’aménagement. À ce stade du raisonnement, la définition de l’action d’aménagement devient nécessaire tout en étant facilitée. Il peut s’agir de simples prestations intellectuelles comme pour les études ou bien encore de travaux de construction mais aussi d’actes juridiques plus spécifiques comme les acquisitions foncières, voire l’établissement de documents d’urbanisme[6]. L’action d’aménagement serait ainsi un acte juridique élémentaire qui ne comporte pas forcément d’influence directe et immédiate pour l’aménagement d’un périmètre mais contribue à le permettre. En revanche, l’opération d’aménagement serait un assemblage de ces actes élémentaires produisant l’aménagement. Enfin l’opération d’aménagement ne se concevrait que dans la mesure où son objectif est de créer ou de rénover un tissu d’urbanisation (avec toutes les adaptations nécessaires que comporte cette notion d’urbanisation pour les secteurs ruraux). Il est ici possible de préciser que l’objectif poursuivi doit être défini précisément, en début ou en cours d’opération dans le cas de réorientation du projet : en d’autres termes la création ou la rénovation du tissu urbain est, plutôt qu’une conséquence, la finalité même de l’aménagement.

Une liberté contractuelle réduite aux opérations d’aménagement conventionnées ou concédées ?

Il convient de se souvenir que le premier alinéa de l’article L. 300-4 envisage une liberté contractuelle pour ce qui concerne l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement. Si le principe de cette liberté se conçoit assez clairement pour ce qui concerne la réalisation de l’opération d’aménagement, c’est que l’opérateur en supportera, au moins partiellement, le risque économique. Bien entendu, la pratique démontre assez largement que ce risque économique peut n’être que, très partiellement, pris par l’opérateur : il n’en demeure pas moins qu’il existe. Même dans le cas de concession d’aménagement dont le résultat appartient à la collectivité publique, le concessionnaire prend au moins le risque de ses frais généraux (ce qui est, dans la pratique, improprement dénommée : « rémunération du concessionnaire ») si leur couverture est assurée par référence aux données financières de l’opération, qu’il s’agisse de son coût de revient ou de ses produits. Dans le cas d’étude, la question peut se poser de savoir s’il ne s’agit pas, purement et simplement, d’une prestation de service qui devrait être qualifiée de marché et soumise, comme telle, aux règles applicables en la matière pour ce qui concerne sa conclusion. Avant d’avancer dans cette voie, encore convient-il de distinguer les différents contrats et opérateurs – ou acteurs – de l’aménagement.

On reconnaît généralement trois types de contrats d’aménagement : la convention, la concession et le mandat. Dans le cas de Z.A.C., ces trois types de contrats sont expressément prévus dans la partie réglementaire du code de l’urbanisme. L’on se souvient en effet que le dossier de création de la Z.A.C. doit comprendre l’indication de son mode de réalisation (article R. 311-3, d) et que l’article R. 311-4 prévoit trois modes de réalisation : la régie, la concession et la convention. Encore convient-il de préciser que, dans le cas de régie, c’est-à-dire de réalisation de la zone par la personne publique qui en a pris l’initiative, il n’est pas exclu de faire appel à des prestataires de services, notamment dans un mandat.

La convention et la concession sont prévues par l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme et concernent toutes les opérations d’aménagement (y compris celles ne s’inscrivant pas dans une Z.A.C.). Depuis les lois de décentralisation, la distinction entre ces deux contrats tient tant à la personne du contractant de l’administration qu’au contenu même du contrat.

L’on sait en effet que la concession d’aménagement ne peut être confiée qu’à un établissement public ou une SEM (qu’elle soit locale ou non si, dans ce cas, la majorité de son capital est détenue par l’État et des collectivités territoriales). Et le concessionnaire peut se voir confier le pouvoir de mener les acquisitions foncières par voie d’expropriation (article L. 300-4) et se voir déléguer l’exercice du droit de préemption urbain (article L. 213-3)[7]. C’est que le législateur estime que de telles prérogatives de puissance publique ne peuvent pas être confiées à toutes personnes mais seulement à celles qui relèvent, étroitement, du secteur public : les établissements publics parce qu’ils sont personnes morales de droit public et les SEM, bien que sociétés commerciales, parce qu’elles sont effectivement contrôlées (dans le double sens du mot : à la fois maîtrise et vérification) par des personnes publiques. Avant la loi de décentralisation (du 2 mars 1982) qui a supprimé l’obligation des cahiers de charges types, la concession d’aménagement (dans le cas de Z.A.C.) supposait en outre que le résultat de l’opération appartienne à la collectivité territoriale, ce qui renforçait la notion même de Z.A.C. publique, par opposition à la Z.A.C. privée.

Mais les collectivités publiques peuvent également recourir à une convention d’aménagement et, dans ce cas, contracter avec toute personne, publique ou privée, quelle qu’en soit la forme. Il peut s’agir de sociétés commerciales ordinaires ou bien encore d’associations relevant de la loi de 1901. Il faut aussi noter que les sociétés d’HLM ont également la possibilité de mener des opérations d’aménagement, sur le fondement de l’article L. 422-2 du code de la construction et de l’habitation.

La loi du 14 mars 1996, en évoquant la notion de restructuration urbaine, introduit une innovation. Ce texte semble ainsi prévoir une nouvelle catégorie d’opérateurs d’aménagement pour ce qui concerne la restructuration urbaine : ceux pouvant mener des actions d’insertion professionnelle ou sociale. Et le législateur semble, dans ce cas, ne pas s’attacher seulement à la notion de contrôle de l’opérateur d’aménagement par des personnes publiques (ce qui est le cas des SEM et des établissements publics) mais aussi à l’expérience de certains organismes en ces domaines que sont tant les sociétés d’HLM (qui relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler le secteur de l’économie sociale) et les AFU. Et, à ce stade, la rédaction même des textes modifiés[8] s’attache à la qualité des aménageurs et nullement à la nature des contrats d’aménagement : c’est ainsi que le texte visant les établissements publics retient l’expression « Lorsqu’ils procèdent à des opérations de restructuration urbaine… » et que celui concernant les sociétés d’HLM est rédigé de la façon suivante : « Lorsqu’elles se voient confier par convention la réalisation d’une opération de restructuration urbaine…« . Sur ce point, l’on pourrait ainsi être amené à conclure qu’une des caractéristiques[9] d’un contrat d’aménagement (qu’il s’agisse de convention ou de concession) portant sur une restructuration urbaine est la délégation d’actions d’insertion professionnelle et sociale comme la délégation du droit de préemption et des expropriations marque la distinction entre convention et concession.

De façon simplifiée, le code de l’urbanisme reconnaît ainsi deux catégories d’opérateurs qui sont distingués selon qu’ils relèvent ou non du secteur public ou de l’économie sociale et, si la réponse à cette question est positive, elle permet à ceux-ci de se voir confier des prérogatives de puissance publique ou des missions d’intérêt général. Dans tous les cas de réalisation d’opération d’aménagement, la collectivité publique contracte librement avec l’opérateur. Et le fondement économique de cette « liberté » se conçoit aisément puisque l’opérateur assume un risque financier tout en agissant en étroite relation avec la collectivité. Mais, plus surprenante est la disposition du premier alinéa de l’article L. 300-4[10] qui prévoit aussi une telle liberté pour ce qui concerne la simple étude d’une opération d’aménagement. Il s’agit là en effet d’une prestation intellectuelle de service qui s’inscrit pleinement dans la définition d’un marché public. Pour autant, il faut bien admettre – par la simple constatation des pratiques observées par les aménageurs – que de telles conventions ou concessions d’études sont généralement conclues par simple convention sans faire application des dispositions du code des marchés publics. Notons aussi que pour ces prestations d’études, la distinction entre convention et concession n’apparaît ni claire ni utile : c’est qu’une convention peut être conclue avec tout aménageur qu’il soit ou non SEM ou établissement public et que l’on voit mal, dans ce cas, ce qui pourrait différencier le contenu de ces contrats dont l’objet est la réalisation d’une étude.

Dans le cas où une collectivité publique envisage de recourir à une entreprise pour l’assister à mener une action (et non pas une opération) d’aménagement ou pour lui déléguer l’exécution de cette action, elle ne pourrait le faire selon les modalités contractuelles prévues à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme. Cette analyse découle de la seule lecture du cet article qui ne prévoit les conventions et concessions que pour les opérations d’aménagement. Comme de telles actions d’aménagement ne sauraient, selon toute vraisemblance, être considérées comme des délégations de service public (l’aménagement ne comportant pas d’exploitation permettant la qualification de service public), les interventions de tiers devraient normalement être prévues et contractées dans le respect des règles édictées par le code des marchés publics. À coté du régime, prévu par cet article L. 300-4 et qu’il faut bien considérer comme dérogatoire du droit administratif, de conclusion des contrats portant sur des opérations d’aménagement subsiste donc le code des marchés publics pour les contrats relatifs aux actions d’aménagement. Et cette solution n’est pas forcément en contradiction avec l’économie générale de la délégation à une entreprise d’une action d’aménagement dans la mesure où l’on voit mal comment, dans une telle situation, l’entreprise pourrait prendre un risque financier autre que celui d’un simple prestataire de service. L’on peut considérer que, dans ce cas et au moins pour ce qui concerne le risque financier de l’aménageur, les notions d’actions d’aménagement et de prestation de service se recoupent pleinement.

Le mandat d’aménagement relève-t-il de la liberté contractuelle des parties ?

Plus généralement, pour l’ensemble des actions ou opérations d’aménagement (qu’il s’agisse ou non de Z.A.C.), l’article R. 321-20 autorise le recours à certains mandants. Cet article, compris dans le titre II du livre III du code de l’urbanisme intitulé « organismes d’exécution » permet à certains organismes d’agir au nom et pour le compte des collectivités publiques initiatrices de l’aménagement. Les organismes visés sont les établissements publics compétents en la matière et les SEM, c’est-à-dire ceux pouvant être concessionnaires d’aménagement. Bien que cet article ne mentionne pas le terme de mandat, peu de doutes subsistent sur la qualification du lien qui peut unir l’organisme à la collectivité publique : les termes « en leur nom et pour leur compte » utilisés au premier alinéa sont éloquents. Et l’on pourrait observer que le second alinéa parle de mise à disposition des fonds nécessaires et de remboursement des dépenses exposées avec, au surplus, une rédaction qui fait penser tant à la loi sur les SEML (en son article 5-III) qu’à la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique (article 5). Le contenu de la mission qui peut être confiée à ces opérateurs dans le cadre d’un mandat est large puisque sont cités : la réalisation d’études, les acquisitions foncières, l’exécution de travaux et la construction d’ouvrages et de bâtiments de toute nature. Il est bien certain, à la lecture de cet énoncé, que l’on se trouve en présence, d’une part, d’une activité d’aménageur habituelle : par exemple, l’exécution de travaux et, d’autre part, de ce qui pourrait être considéré comme une prestation de service : la réalisation d’études. Comme les dispositions contenues à cet article ne mentionnent ni le terme d’opération d’aménagement ni celui d’action d’aménagement, l’on pourrait en déduire qu’il vise l’ensemble des actions et opérations d’aménagement, étant précisé qu’un rapprochement peut sans difficulté être fait entre actions d’aménagement et prestations de services. Et, dernier point intéressant de cet article, le mandat peut être conclu par simple convention ; il faut donc bien supposer que, même s’il ne s’agit que de prestation de service, la passation de cette convention constitue une formalité suffisante. Il découle, tout naturellement, de cette analyse que les dispositions du code des marchés publics ne trouveraient pas application au cas particulier de l’aménagement.

Mais, il convient de le rappeler et de le souligner, cette dérogation ne vaudrait que pour les seuls prestataires pouvant prétendre à une concession d’aménagement. En d’autres termes, les entreprises qui ne sont pas susceptibles d’être concessionnaires d’aménagement ne pourraient se voir confier de mandat d’aménagement que dans le cadre des procédures prévues au code des marchés publics pour ce qui concerne les prestations de service.

Encore convient-il de s’interroger sur la portée de cet article et son articulation avec le code des marchés publics. Il pourrait être interprété comme une habilitation de certaines personnes (seulement les SEM et les établissements publics) à l’exercice d’une activité de mandataire d’aménagement des collectivités publiques compétentes. Bien entendu, cette interprétation découle d’une référence à la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique : on n’admettrait, en quelque sorte, que certaines entreprises pour agir au nom et pour le compte des collectivités publiques dans les domaines de l’aménagement et de la construction. Mais, à ce stade, il est aussi possible de distinguer, dans le mandat d’aménagement, deux types d’activités. Les premières consisteraient dans la substance même du mandat, à savoir l’exercice d’actions d’aménagement pour la collectivité mandante : par exemple les acquisitions foncières. Sur ce point, il est tout à fait possible de concevoir une limitation des entreprises admises à exercer de telles activités et même de réserver celles-ci aux entreprises du secteur public ou semi-public. Mais il faut aussi concevoir que l’activité de mandataire constitue, en elle-même, une prestation de service : gérer, en tout ou partie, une action d’aménagement pour le compte d’une collectivité publique est bien une prestation de service, au même titre qu’une délégation de maîtrise d’ouvrage publique ou une conduite d’opération. Que cette prestation de service soit réservée à certaines entreprises (celles relevant du secteur public), cela peut être admis sans difficulté conceptuelle. Mais il n’est pas certain que cela puisse conduire à s’exonérer des contraintes du code des marchés publics. Notons, d’abord, que l’article R. 321-20 est de nature réglementaire alors que le code des marchés publics comporte une partie législative. Notons aussi que cet article peut parfaitement se combiner avec le code des marchés publics : les mandats d’aménagement comportant une rémunération inférieure à F. 300.000 ne pourraient être confiés que par voie de convention et non pas par « achats sur facture », ce qui, au demeurant est conforme au principe du code civil selon lequel le mandat doit être donné par écrit. Si la rémunération du mandataire excédait le seuil de F. 300.000, les procédures habituelles d’appel d’offres seraient applicables et cela même si seules les entreprises habilitées aux mandats d’aménagement sont susceptibles d’y répondre.

Mais le contenu même du mandat d’aménagement, tel qu’il est envisagé par l’article R. 321-20 du code de l’urbanisme, n’est pas sans soulever quelques difficultés d’interprétation. Ce texte prévoit la délégation, par mandat, de la réalisation d’études. On sait en effet que la réalisation d’études relève de la prestation intellectuelle de service régie comme telle par certaines dispositions du code des marchés publics. Deux interprétations sont dès lors possibles. Soit la réalisation d’études constitue bien une prestation de service et l’on voit mal comment elle pourrait constituer la substance même d’un mandat. Dans cette hypothèse (qui est celle d’une « anomalie » de rédaction), l’on peut s’interroger sur la pertinence de limiter une telle activité aux seules entreprises du secteur public local. Par référence à la loi « Sapin » dont les dispositions initiales excluant de son dispositif les SEM ont été cassées par le Conseil constitutionnel, il serait envisageable d’admettre que les établissements publics sont seuls admis à fournir de telles prestations ; mais l’on voit mal comment les SEM pourraient bénéficier d’un traitement particulier par comparaison aux autres sociétés commerciales. Soit les prestations d’études ne constituent pas une prestation de service et l’on voit alors très mal le fondement juridique d’une telle argumentation qui conduirait à introduire une distinction entre actions d’aménagement et prestation de service : l’action d’aménagement – définie simplement par son objet mais qui n’est pas distinguée de l’opération d’aménagement – serait un acte juridique distinct excluant le régime de la prestation de service. Il est toutefois peu probable qu’une telle interprétation puisse valablement être développée et soutenue. Il faut d’ailleurs souligner, à cet égard, que l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme qui prévoit les conventions et concessions d’aménagement, envisage l’étude et la réalisation d’opérations d’aménagement, ce qui peut laisser supposer que les prestations d’études peuvent s’intégrer à une opération faisant l’objet d’un contrat mais qu’elles ne sauraient, à elles seules, constituer l’objet du contrat d’aménagement.

À une époque où une attention toute particulière est portée sur les modes de passation des contrats des collectivités publiques, il est très probable que l’interprétation de l’article R. 321-20 du code de l’urbanisme soit à mener avec la plus grande prudence, même si les pratiques observées s’en éloignent parfois.

Conclusion

En définitive la loi sur la relance du pacte pour la ville n’apporte pas de précision ni de nouveauté pour ce qui concerne la notion d’opération d’aménagement et le mode de passation des contrats d’aménagement. Il faut donc recourir à une analyse tant des textes disponibles, parfois insuffisamment clairs, que des pratiques observées pour parvenir à se forger une idée de ces questions. Et, de cette analyse du code de l’urbanisme, l’on pourrait déduire quelques règles simples relatives à la conclusion des contrats d’aménagement entre les collectivités publiques et leurs partenaires :

–   relèveraient de la liberté la conclusion des contrats d’aménagement qui sont :

.    des conventions ou des concessions, portant sur l’étude et la réalisation d’une opération d’aménagement,

.   des mandats si le mandataire est un établissement public ou une SEM, qu’il s’agisse d’actions ou d’opérations d’aménagement, et si la rémunération du mandataire n’excède pas F. 300.000,

–   à l’inverse, relèveraient du code des marchés publics la passation des contrats :

.    de mandat, d’actions ou d’opérations d’aménagement, que la collectivité publique confie à une SEM ou un établissement public, si la rémunération du mandataire dépasse F. 300.000,

.    de prestations de service, qu’elles portent sur des actions ou des opérations d’aménagement, confiées à toute personne.

Mais il faut aussi souligner que le débat sur la distinction des actions et des opérations d’aménagement ne présente pas qu’un aspect juridique portant sur la plus ou moins grande liberté contractuelle dont disposent les collectivités territoriales. C’est que la réglementation financière des opérations d’aménagement permet d’en lisser le coût sur plusieurs exercices en le finançant, le cas échéant, par le recours à l’emprunt. Et la tentation peut exister parfois de qualifier d’opérations de simples actions d’aménagement précisément pour user de cette faculté de présentation harmonieuse des charges des collectivités territoriales.

[1] : Jugement du 3 juin 1993, Études foncières, déc. 1993, p. 50, rendu à propos de la possibilité d’un déféré préfectoral portant sur une convention de Z.A.C..

[2] : Circulaire n. 91-57 du 31 juillet 1991 (Équipement) NOR : EQUC9110103C, commentaires de l’article 4 de la loi d’orientation pour la ville.

[3] : Loi n. 85-729 du 18 juillet 1985 qui a notamment refondu la notion d’aménagement.

[4] : Cette notion d’opération de restructuration urbaine est également reprise dans les ajouts faits aux articles L. 422-2 du code de la construction et de l’habitation et L. 321-1 du code de l’urbanisme par la loi du 14 novembre 1996.

[5] : L’administration fiscale va dans ce sens dans son instruction du 8 novembre 1988 (8 A-7-88) en exposant que les aménageurs de zones sont généralement chargés des acquisitions foncières, de la réalisation de travaux et d’équipements et revendent des terrains à bâtir.

[6] : Il faut toutefois préciser qu’au cours des débats parlementaires qui se sont déroulés à l’occasion de la loi du 14 novembre 1996, l’idée qu’un permis de construire ne pouvait être considéré comme une action d’aménagement a été clairement exposée.

[7] : La réponse Duboscq (n. 17604 – 3 octobre 1991 – J.O. Sénat du 16 janvier 1992) a confirmé l’alignement du régime de TVA des acquisitions foncières des SEM concessionnaires avec celui des établissements publics en les admettant au bénéfice de l’article 1042 du code général des impôts.

[8] : Les articles L.300-4, L. 321-1 et L. 322-2, 6° du code de l’urbanisme visant respectivement les opérations ou opérateurs d’aménagement, les établissements publics et les AFU et l’article L. 422-2 du code de la construction et de l’habitation pour les sociétés d’HLM.

[9] : Une autre caractéristique étant l’aménagement des zones visées par l’article 1 de la loi du 14 novembre 1996.

[10] : Il faut toutefois souligner que cet article vise l’étude et la réalisation, ce qui ne signifie sans doute pas que l’étude puisse être détachée de la réalisation.

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